Les Trésors domestiques

Mars—Mai 2020


Et si l’on regardait autrement les objets des intérieurs qui nous entourent ? Pendant cette période de confinement, les conservateurs du Mucem présentent leur sélection d’objets « domestiques » des collections du Mucem.

 

Don Quichotte dans la caverne de Montesinos Charles Jodelet Carte réclame Éditée spécialement pour le Chocolat-Louit Carton imprimé Fin XIXe – Début XXe siècle 10.2 x 6.5 cm

Don Quichotte dans la caverne de Montesinos Charles Jodelet Carte réclame Éditée spécialement pour le Chocolat-Louit Carton imprimé Fin XIXe – Début XXe siècle 10.2 x 6.5 cm


Don Quichotte dans la caverne de Montesinos

Charles Jodelet
Carte réclame
Éditée spécialement pour le Chocolat-Louit
Carton imprimé
Fin XIXe – Début XXe siècle
10.2 x 6.5 cm
Don Quichotte est un personnage de roman. Il apparaît sous la plume de Miguel de Cervantes au tout début du XVIIe siècle. Un pauvre et vieux gentilhomme du nom de Alonso Quijano semble atteint de folie. Ses amis et voisins croient savoir que s’il a perdu la raison, c’est certainement parce qu’il a lu trop de livres. Pour le ramener à la réalité, ils incendient sa bibliothèque. La porte de son imaginaire est cependant déjà très largement ouverte et c’est ainsi que, pour échapper autrement que par la lecture à un quotidien qui ne lui correspond plus, il décide de parcourir le monde en chevalier errant, luttant contre le mal partout où il se trouve. Sancho Panza, paysan plein de bon sens, sera son écuyer fidèle tout au long du voyage. Le parcours de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduit dans près de cent cinquante langues, est connu dans le monde entier.
Le songe de Don Quichotte dans la caverne de Montesinos constitue un moment parmi les plus importants de ce grand roman, et plus exactement de la seconde partie du roman, publiée dix ans après la première partie. Ayant parcouru de vastes contrées, il connait presque tout des hommes et des êtres qui peuplent son univers. Il est à présent désireux de visiter l’intérieur de la terre. Pour y accéder, il se transporte jusqu’à l’entrée de la caverne de Montesinos, laquelle est dissimulée aux regards profanes par une épaisse végétation. Attaché à des cordes qui le relient à la surface, il accomplit ce voyage seul. Le chevalier effectue la descente volontairement sans son armure et refuse que Sancho Panza l’accompagne : « une aventure comme celle-ci, Sancho, n’était gardée que pour moi ». Sur le modèle du mythe d’Orphée, son passage sous terre est destiné à être un voyage spirituel. La descente dans la caverne et le retour à la surface constituent une expérience de mort et de renaissance, un processus initiatique dont le chevalier reviendra transformé. Dans le monde souterrain, confiné pendant trois jours et trois nuits, sans aucune conscience du temps qui s’écoule dans le réel de la surface terrestre, il est finalement ramené à la surface et raconte toutes les merveilles qu’il a pu voir, toutes les vérités qu’il a acquises. Le très rationnel Sancho Panza refuse de croire au récit de Don Quichotte, qui lui répond sagement : « Le temps viendra (…) qu’en te racontant quelques-unes des choses que j’ai vues là-bas, tu seras contraint de croire celles que je viens de te conter ici, dont la vérité n’admet ni réplique, ni dispute ».

Vincent Giovannoni, Conservateur en chef du patrimoine
SOURCES
BORGES Jorge Luis, 1981, « Pierre Menard, autor del Quijote » in Ficciones, Emecé Editores (1ère éd. 1944).
GETHIN Hugues, 1977, « The Cave of Montesinos : Don Quixote's interpretation and Dulcinea's disenchantment », in Bulletin of Hispanic Studies, Liverpool University Press, Volume 54, Issue 2, pp. 107-113.
1996.40.754.6
 
Statuette de Claude-François à décorer soi-même Firme Daviland, France 1975-1980 Plâtre, peinture, paillettes, poils, bois, métal et carton 32 x 22 cm

Statuette de Claude-François à décorer soi-même Firme Daviland, France 1975-1980 Plâtre, peinture, paillettes, poils, bois, métal et carton 32 x 22 cm


Statuette de Claude-François à décorer soi-même

Firme Daviland, France
1975-1980
Plâtre, peinture, paillettes, poils, bois, métal et carton
32 x 22 cm
Les vacances sont là ! Le temps d’une évasion mentale loin des tracas du quotidien professionnel. Le repos de l’esprit en occupant ses doigts autrement qu’en pianotant sur son clavier d’ordinateur. Les collections du Mucem vous proposent une fuite glamour, strass et disco avec cette effigie en plâtre de Claude François à peindre soi-même. Pinceau, peinture et paillettes sont fournis pour pouvoir redonner vie et éclat au chanteur franco-égyptien. Outre Cloclo, l’entreprise Daviland, éditrice du kit, proposait à la fin des années 1970 une collection d’effigies de stars de la chanson et du cinéma à décorer : Johnny Hallyday, Elvis Presley, John Wayne ou Charles Bronson.
L’attachement à des personnes célèbres pour leur talent, leur beauté, leur pouvoir est un phénomène connu et étudié depuis le milieu du XXe siècle. En revanche, le monde des fans et des produits dérivés de vedettes créés spécialement pour eux n’a été observé que plus récemment. Dans une enquête-collecte pionnière, le Musée national des Arts et Traditions populaires s’est intéressé en 1980 à la communauté des admirateurs de Claude François et a fait entrer dans les collections nationales des témoins du marketing orchestré par le chanteur autour de sa personne : posters, T-shirts, médailles et badges à son effigie, photos dédicacées et même un parfum composé par lui. 
Dès la réouverture du musée, vous pourrez admirer ces produits dérivés du « culte à Cloclo » au Centre de Conservation et de Ressources (CCR) du Mucem.
Julia Ferloni, conservatrice du patrimoine au Mucem 

1980.81.6
Automate. La chèvre de Monsieur Seguin. Bois peint, tissu. 1945

Automate. La chèvre de Monsieur Seguin. Bois peint, tissu. 1945


Automate, La chèvre de Monsieur Seguin

Bois peint, tissu,
1945
 « Être libre, c’est être seul arbitre de ce qu’on fait ou de ce qu’on ne fait point. » Jean de La Bruyère, Caractères (Paris, 1688) 
En bois sculpté et peint en blanc, ce protomé de chèvre présente de drôles d’oreilles basses, qui s’apparentent à celles d’une chèvre nubienne. Les yeux sont cernés par un large cercle noir, les pattes antérieures repliées, l’une relevée. Cette figure incomplète porte sur la planchette qui la maintient, l’inscription en noir « Chèvre de Mr Seguin ». Une robe de textile traduisant le pelage dissimulait cette identification. Portait-elle un fichu coloré sur la tête, assorti au pastiche de carré de soie bleu ciel noué autour de la gorge ? 
Cette chèvre appartient à la série des "Animaux célèbres", réalisée d’après les dessins du prolifique illustrateur de presse Jean Effel (1908-1982), par la maison Roullet-Decamps, en 1945, à l’occasion des premières vitrines de Noël après la guerre. Enfin libérés, des milliers de passants et d’enfants émerveillés ont pu admirer les vitrines animées des grands magasins parisiens. Ces compositions féériques, avec des automates intégrés dans un décor, existent depuis le début du 20e siècle, et la maison Roullet-Decamps en fut le fabricant précurseur. L’État s’est porté acquéreur de ces ensembles, dont les pièces sont déposées et visibles au musée des automates de Souillac, en Dordogne.
La Chèvre de Monsieur Seguin est la « lettre » la plus populaire d’Alphonse Daudet. Né à Nîmes le 13 mai 1840, l’écrivain peut publier Les lettres de mon moulin en 1866, sous forme de feuilletons dans le journal l’Événement, sous le titre de Chroniques provençales. L’esprit parisien du Second Empire s’y mêle à la poésie populaire de son pays. La série de contes est un clin d’œil à son ami Frédéric Mistral ; les deux écrivains méridionaux se sont rencontrés à Paris.

La Chèvre de Monsieur Seguin paraît le 14 septembre 1866. Certains ont vu dans le loup la préfiguration du Prussien, qui occupe le second recueil de Daudet publié en 1873, Les Contes du lundi inspirés par la guerre de 1870 et la Commune. La lettre est adressée à Monsieur Pierre Gringoire, poète lyrique à Paris, qui mène, d’après l’auteur, une vie de bohème.

« Tu prétends rester libre à ta guise jusqu’au bout… Eh bien, écoute un peu l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin. Tu verras ce que l’on gagne à vouloir vivre libre. »

« Ah ! Gringoire, qu’elle était jolie la petite chèvre de Monsieur Seguin ! Qu’elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande […] un amour de petite chèvre […] »

Monsieur Seguin n’avait jamais eu de chance avec ses chèvres. « C’était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté. » Il avait perdu six chèvres de la même façon, si bien qu’il prit soin de prendre la septième toute jeune, « pour qu’elle s’habituât mieux à demeurer chez lui. » Tout serait donc question d’éducation, de conditionnement, ou d’habitude ? Il l’attacha à une corde suffisamment longue, pour lui laisser du mouvement. Il lui proposa même d’allonger encore la longe… Malgré cela, un jour, « L’ennui lui vint. » La chèvre avait besoin de prendre le large, de s’aventurer plus loin. Fâché, le Maître l’emporta « dans une étable toute noire, dont il ferma la porte à double tour. » Mais Blanquette sortit par la fenêtre. Elle est condamnée par avance ; pourtant, elle tente le risque, happée par l’appel de la montagne. Elle préfère quitter la sécurité de l’enclos, pour l’inconnu. Les autres chèvres l’ont précédé, au péril de leur vie. Elle le sait, la vieille Renaude, forte comme un bouc, s’est battue toute la nuit et a fini par être croquée elle aussi, aux lueurs de l’aube. L’histoire, prévisible, s’est répétée. La chèvre de Monsieur Seguin s’est extasiée une journée dans la nature offerte. Rassasiée ? Elle s’est régalée. Et puis le matin, le loup l’a mangée.

« Tu m’entends bien, Gringoire ? E piei lou matin lou loup la mangé »
Caroline Chenu, chargée des collections

1985.25.277.8
 
Alain Leloup, Maison à Annaba  Algérie, 1979 Tirage argentique sur papier 30 x 45 cm

Alain Leloup, Maison à Annaba  Algérie, 1979 Tirage argentique sur papier 30 x 45 cm


Alain Leloup, Maison à Annaba 

Algérie, 1979
Tirage argentique sur papier
30 x 45 cm
Cette photographie a été prise en 1979 dans un appartement d’Annaba, métropole côtière du Nord-Est de l’Algérie. Son auteur, Alain Leloup, accompagnait alors des collègues du journal Nice Matin dans la réalisation d’un film documentaire sur des familles algériennes partagées entre Nice et la région d’Annaba. Pour ces journalistes et le photographe, militants de gauche, ce tournage était l’occasion de découvrir la république socialiste algérienne, encore relativement jeune après l’indépendance obtenue en 1962 et les différents gouvernements qui s’étaient succédés depuis.
Dans l’appartement citadin, l’attention du photographe a été retenue par cet ensemble hi-fi dernier cri, composé d’un tourne-disque, d’un magnétophone à bande Grundig, fabriqué en Allemagne de l’Ouest, et d’enceintes de la marque néerlandaise Philips. Il a également immortalisé un arrangement de vinyles représentatifs de l’actualité musicale de l’époque, notamment l’album disco-électronique Once Upon a Time de Donna Summer (1977), l’alliance disco-flamenco de Santa Esmerlada dans The House of the Rising Sun (1978), le premier disque de l’éphémère groupe Belle Époque, Miss Brodway (1977), ainsi qu’une compilation de succès contemporains parue en 1977. Cette composition, à sa manière, témoigne de la globalisation culturelle qui s’accélère dans la deuxième moitié du XXe siècle.

Une globalisation qui nous saute aux yeux aujourd’hui, à l’heure où une pandémie mondiale nous amène à consommer nombre de films, séries et créations musicales également partagés par une grande partie de la population de la planète.
Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine

2018.94.1.80
Cyrano de Bergerac, Acte III : le baiser de Roxane  Carte-réclame  Fin du 19e - début du 20e siècle  14 x 9 cm 

Cyrano de Bergerac, Acte III : le baiser de Roxane  Carte-réclame  Fin du 19e - début du 20e siècle  14 x 9 cm 


Cyrano de Bergerac, Acte III : le baiser de Roxane 

Carte-réclame 
Fin du 19e - début du 20e siècle 
14 x 9 cm 
Tout au long du XIXe siècle, les grands magasins marquent un tournant dans l’histoire de la consommation. Avec cette carte-réclame éditée pour l’enseigne A Pygmalion, la publicité se fait écho de l’actualité culturelle contemporaine. En décembre 1897, la première représentation de Cyrano de Bergerac à Paris, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, est un succès retentissant. L’illustration, en citant les interprètes des trois rôles principaux (les acteurs Maurice Volny, Coquelin aîné, et l’actrice Léonie Yahne), est une référence explicite au triomphe de la pièce d’Edmond Rostand. Mais en évoquant la scène la plus célèbre, celle dite du « Baiser de Roxane », elle donne également à voir un des leitmotivs de l’imagerie populaire comme plus largement de la création artistique : la scène de balcon. 
En effet, le troisième acte d’Edmond Rostand s’inscrit dans une tradition littéraire vieille de plusieurs siècles. Au théâtre, la plus célèbre de ses incarnations date de 1597, lorsque William Shakespeare imagine la visite secrète de Roméo Montaigu à Juliette Capulet, sous les fenêtres de son appartement. Du balcon de l’Ecole des femmes de Molière au XVIIe siècle, à celui du Barbier de Séville de Beaumarchais au XVIIIe siècle, nombreux sont les auteurs à exploiter le potentiel dramatique de ce même décor. Au XXe siècle, le cinéma s’en empare à son tour, de la comédie musicale West Side Story en 1962 à l’adaptation du conte d’Aladdin par les studios Walt Disney Pictures en 1992.  
Le balcon, d’un point de vue architectural, est une avancée sur façade généralement entourée d’un garde-corps, et dont le plateau est plus ou moins large. S’il connait une infinité de formes et de décors en fonction des régions et au fur et à mesure des progrès techniques de la construction, il est d’abord une expression de pouvoir, une plate-forme qui permet de s’élever au-dessus de la foule – du balcon de la Basilique Saint-Pierre de Rome à celui de Buckingham Palace à Londres. Sa généralisation au XIXe siècle en même temps que l’habitat collectif, en particulier dans ses développements haussmanniens, fascine les peintres du siècle. Edouard Manet et Gustave Caillebotte en produisent des images parmi les plus célèbres et témoignent de l’ambiguïté fondamentale de cet élément d’architecture : entre intérieur et extérieur, entre sphère intime et sphère publique, il est tout à la fois un lieu où l’on se réfugie et un lieu où l’on se montre. Espace de solitude où l’on peut inviter, en miniature, le jardin à la ville, il est aussi le cadre de sociabilités sans cesse renouvelées, et n’a eu de cesse d’inspirer tous les arts. 
Coline Zellal, conservatrice du patrimoine au Mucem et responsable du pôle « Corps, apparences et sexualités »

1995.1.1312.2
Coquillages sculptés et gravés, Nouvelle-Calédonie, vers 1890

Coquillages sculptés et gravés, Nouvelle-Calédonie, vers 1890

Coquillages sculptés et gravés, Nouvelle-Calédonie, vers 1890

Coquillages sculptés et gravés, Nouvelle-Calédonie, vers 1890


Coquillages sculptés et gravés

Nouvelle-Calédonie,
Vers 1890

Le coquillage cristallise tous nos rêves d’évasion depuis quelques semaines. Pouvoir enfin se promener sur la plage, sentir le sable chaud sous nos pieds, ramasser des coquillages et regarder l’horizon en rêvant à des destinations lointaines… 
Le bagnard de l’île de Nou en Nouvelle-Calédonie, au large de Nouméa, qui a ramassé puis finement sculpté, ajouré et gravé ces coquillages, avait peut-être les mêmes rêves d’évasion. Mais ces objets font surtout partie d’un système d’économie parallèle entre gardiens du bagne et forçats appelé « camelote ». Au départ clandestine, l’activité devint ensuite officielle et fut même encouragée par l’administration pénitentiaire. Les coquillages gravés étaient ensuite acquis par des gens de passage sur l’archipel, fonctionnaires et militaires en poste dans l’île, comme objet-souvenirs de ce pays certes lointain mais guère enchanteur. Certaines de ces créations artistiques furent même exposées lors des expositions universelles de 1878 ou 1889, comme « produits de marketing » prouvant l’utilité et l’efficacité des bagnes de Guyane ou de Nouvelle-Calédonie.

Le nautile, coquillage abondant dans les eaux tropicales, et qui compose par ailleurs l’emblème de la Nouvelle-Calédonie, est ici gravé dans plusieurs médaillons de paysages exotiques des alentours avec des voiliers voguant au loin, symbole idéalisé d’un retour à une vie normale ou à l’évasion. On peut voir parmi ces paysages celui de la plantation Lacombe qui était la propriété de la famille du donateur de l’objet au musée.
L’autre coquillage, en forme de cône, appelé troque nacrier, est lui aussi décoré de paysages maritimes avec voilier et bateau à vapeur  voguant sur l’Océan pacifique libérateur.

Françoise Dallemagne, chargée de recherches et de collections

2014.12.15
Affiche Impression polychrome sur papier  H. 64,5 ; L. 50 cm Graphiste : Maurice Dard 1962

Affiche Impression polychrome sur papier H. 64,5 ; L. 50 cm Graphiste : Maurice Dard 1962


Affiche

Impression polychrome sur papier 
H. 64,5 ; L. 50 cm
Graphiste : Maurice Dard
1962

C’est à une tentative d’évasion que nous vous convions avec cette croisière de printemps qui partit  de Marseille en avril 1962, au cœur des Trente glorieuses, moins d’un mois après la fin de la guerre d’Algérie, et cinq ans avant le coup d’Etat militaire et la dictature des colonels en Grèce. Une parenthèse enchantée qui vit naître l’essor du tourisme maritime en Méditerranée.
L’illustrateur est un Marseillais, Maurice Dard, peintre de marine, et l’un des fils du co-fondateur et président de l’Olympique de Marseille. Attaché à sa ville, il a dessiné toute sa vie des bateaux, dans son atelier de la rue Sainte. Le motif sur l’affiche est d’ailleurs aux couleurs de la cité phocéenne, bleu azur et blanc, sur fond de mer Méditerranée teinte en rouge, la couleur de Pâques, période à laquelle se déroule la croisière, comme l’annonce le titre inscrit en lettres anguleuses sur l’entablement d’un édifice antique. Au centre de la composition, le long paquebot de la Compagnie de navigation mixte porte un nom provenant de la rive Sud de la Méditerranée : Kairouan en Tunisie. Sur toute la hauteur, s’élève une colonne cannelée à chapiteau ionique, l’ordre à volutes, originaire du Proche-Orient. Sur la crépis à degrés, se déploient en frise cinq personnages vêtus et coiffés à l’antique, autour d’un panneau couronné d’un méandre, dans lequel sont gravées dans le marbre les destinations de la croisière.

Le navire part de Marseille, comme l’indique la flèche située dans la mer ionienne au début du circuit schématique. La première escale est un petit port d’Argolide à Nauplie, capitale de la Grèce « indépendante » proclamée en 1830. De là, les passagers débarquent pour la visite des sites antiques d’Epidaure, Tirynthe, Mycènes, Corinthe, Eleusis, et le bateau repart vers le port du Pirée à Athènes. Le périple se poursuit alors en cabotage vers le Nord de la mer Egée, Volo et les Météores, puis cap à l’Est pour une étape à Izmir, l’ancienne Smyrne en Asie Mineure, Ephèse et Pergame, l’île de Rhodes dans le Dodécanèse, de nouveau la côte à Antalya, et Chypre encore unie, avant la partition de 1974. Enfin, le Proche-Orient avec Beyrouth, Baalbek, Damas, Jérusalem, Haïfa, Nazareth-Tibériade. La simple évocation d’une seule de ces cités est un voyage en soi.


Caroline Chenu, chargée des collections

2014.12.15
Tenture Femmes du groupe Hadidiyyîn Entre 1940 et 1960 Salamyeh, Syrie Coton, matière synthétique et cheveux 275 x 154 cm

Tenture Femmes du groupe Hadidiyyîn Entre 1940 et 1960 Salamyeh, Syrie Coton, matière synthétique et cheveux 275 x 154 cm


Tenture

Femmes du groupe Hadidiyyîn
Entre 1940 et 1960
Salamyeh, Syrie
Coton, matière synthétique et cheveux
275 x 154 cm

Qui ne rêve de s’envoler hors de chez lui sur un tapis oriental ? On peut évidemment laisser notre imagination nous emporter ou décider de passer le temps en occupant ses mains. A l’instar des femmes Hadidiyyîn, groupe bédouin d’éleveurs de moutons au sud-est de Hama en Syrie, anciennement nomade et partiellement sédentarisé. Avant la guerre civile, cette population habitait encore sous des tentes.
Cette grande pièce textile, qu’à première vue on pourrait prendre pour un tapis, est en fait une tenture réalisée selon la technique de l’appliqué. Cette dernière consiste à coudre une pièce de tissu sur un fond afin de constituer un motif. Parmi les Hadidiyyîn, ces patchworks très colorés servent de décoration intérieure. Ils sont confectionnés à partir de vieux vêtements et tissus de récupération. Ils ornent les pans de la tente, recouvrent les matelas et les coussins. Cette tenture comporte en outre des pochettes pour ranger des objets. 

Si vous avez des aiguilles, du fil et que vous vous apprêtez à vous lancer dans un appliqué de confinement, vous avez certainement constaté que des cheveux entraient dans la constitution de ce textile. Il s’agit en fait d’une mèche de cheveux déposée dans l’une des pochettes. La tradition bédouine veut en effet qu'on laisse pousser les cheveux des garçons jusqu'au moment où l’on sacrifie un mouton. On coupe alors une mèche que l'on conserve dans la tente.


Julia Ferloni, conservatrice du patrimoine au Mucem 

2014.8.31
Fontaine de propreté Joachim (père, 1722-1794) et Jacques Vattier (1748-1804) Pré d’Auge, Calvados 1768, Terre cuite vernissée

Fontaine de propreté Joachim (père, 1722-1794) et Jacques Vattier (1748-1804) Pré d’Auge, Calvados 1768, Terre cuite vernissée


Fontaine de propreté

Joachim (père, 1722-1794) et Jacques Vattier (1748-1804)
Pré d’Auge, Calvados
1768,
Terre cuite vernissée

Ce réservoir de plan circulaire en terre cuite recouverte d’une glaçure verte posée au pinceau est tout ce qui subsiste de la fontaine de propreté d’origine. Une croix est représentée en relief au-dessus du robinet qui permettait de faire couler l’eau dans un bassin disparu. 
Une gravure réalisée avant cuisson indique le nom des potiers créateurs de l’objet, Joachim et Jacques Vattier (père et fils), son destinataire, un certain Pierre Lepetit, et la date de sa réalisation, 1768. Cette fontaine fait partie de l’abondante production de céramiques domestiques sortie des fours du pays d’Auge au court du 18e siècle.

Au sein de cette production, les fontaines de propreté constituent des pièces d’exception, réservées à une clientèle aisée. Apparues au 16e siècle dans les demeures parisiennes, devenues courantes en France au 18e siècle, elles permettaient de pallier les difficultés d’approvisionnement en eau en milieu rural, en conservant et en distribuant l’eau destinée à la toilette et à la boisson quotidiennes. Elles agrémentaient les intérieurs en combinant une fonction utilitaire et décorative.

Cet exemplaire signé et daté a été acquis en 1955 lors la vente publique de la collection du célèbre artiste fauve André Derain et donné au Musée national des Arts et Traditions populaires par l’une de ses plus notables mécènes, Alix de Rothschild. Présenté un an plus tard dans l’exposition Trésors d’art populaire dans les pays de France, on peut le considérer comme un véritable chef d’œuvre d’art populaire domestique !

Camille Faucourt, conservatrice au Mucem

1955.58.1
Lucien Serre, affiche « Marseille et la porte de l’Afrique du Nord », 2e quart du XXe siècle, lithographie, 99 x 62 cm © Mucem

Lucien Serre, affiche « Marseille et la porte de l’Afrique du Nord », 2e quart du XXe siècle, lithographie, 99 x 62 cm © Mucem


Affiche « Marseille et la porte de l’Afrique du Nord »

Lucien Serre
2e quart du XXe siècle
Lithographie
99 x 62 cm

Site antique fondé par des marins grecs venus de la lointaine Asie mineure, Marseille entretient depuis plusieurs millénaires des liens étroits avec le reste du bassin méditerranéen. Ouverte sur la mer, porte d’entrée des voyageurs comme des marchandises les plus lointaines, elle a su s’imposer comme le premier port français et le deuxième port de Méditerranée aujourd’hui...
Au début du XXe siècle, alors que l’Algérie est conquise et que la Tunisie et le Maroc sont placés sous protectorat français, elle aime à se présenter comme la capitale de l’empire colonial français. Au cœur des réseaux circulaires alliant chemins de fer et lignes maritimes, elle est effectivement un point d’embarquement incontournable pour qui veut alors découvrir l’Afrique du Nord : l’affiche évoque près de 700 000 voyageurs à destination ou en provenance du Maghreb chaque année, un chiffre impressionnant pour l’époque ! Ce dynamisme économique est permis par la création de trains et de paquebots à vapeur toujours plus modernes et plus rapides, visibles en bas de la composition. Au centre, Marseille se présente comme un phare lumineux, seul épicentre de cette activité industrielle et commerciale que rien ne semble pouvoir arrêter. A l’exception, peut-être, d’une crise sanitaire telle que nous la connaissons actuellement. 
Si le temps du voyage reste suspendu, et l’Afrique du Nord inaccessible, quelques ferrys reconvertis en transports de fret pendant le confinement embarquent à nouveau quelques passagers et animent le port de Marseille par leurs constants allers et retours vers l’île de Beauté. Guettons-les, s’éloignant lentement dans le crépuscule, au-delà du Frioul… et imaginons, nous aussi, embarquer loin de nos vies bouleversées.

Camille Faucourt, conservatrice au Mucem

2001.4.21
Coquillage, Cannes, 2ème quart du 20e siècle © Mucem

Coquillage, Cannes, 2ème quart du 20e siècle © Mucem


Coquillage

Cannes
2ème quart du 20e siècle

Le coquillage cristallise tous nos rêves d’évasion depuis quelques semaines. Pouvoir enfin se promener sur la plage, sentir le sable chaud sous nos pieds, ramasser des coquillages et regarder l’horizon en rêvant à des destinations lointaines…
Ce coquillage fut offert en 1938 au Musée national des Arts et Traditions populaires par Victor Tuby (1888-1945), artiste cannois et félibrige renommé, qui supervisa après la mort de Frédéric Mistral la réédition de Lou Tresor dóu Felibrige (Le Trésor du Félibrige), dictionnaire bilingue occitan-français, bible des linguistes provençaux. C’est est un gastéropode marin appelé biou en provençal, dont le nom scientifique est le Turbo rugueux et que l’on trouve couramment sur les rivages de Méditerranée. Ce n’est pas pour le consommer que l’on ramasse ce coquillage mais pour sa jolie forme hélicoïdale rappelant celle de l’escargot. Il devient alors un objet-souvenir qui nous rappelle la plage où il fut ramassé. On trouve aussi isolé sur le sable le petit opercule ovale et orangé de ce coquillage auquel on a donné le nom d’Œil de Sainte Lucie. 

Selon la légende, Sainte Lucie, jeune fille de la noblesse de Syracuse, obtint la guérison miraculeuse de sa mère en priant la Vierge. Pleine de reconnaissance, elle s'arracha les yeux et les jeta à la mer pour ne plus être détournée de sa foi. Pour d’autres, elle les présenta sur un plat. Dès lors, entièrement tournée vers la prière, elle réalisa de nombreux miracles. 

Selon les croyances populaires, l’Œil de Sainte Lucie est un talisman que l’on porte sur le cœur, en bijou, ou dans sa poche pour éloigner le mauvais œil. Sa forme évoque d’un côté la silhouette de la Madone et de l’autre la spirale de l’infini. Cette amulette porte aussi d’autres noms évocateurs comme fève marine, nombril de Vénus ou pieu de Sainte Marguerite en référence à sa vertu supposée de guérir la stérilité.

Françoise Dallemagne, chargée de recherches et de collections

1938.146.16

 

© Collection Mucem

© Collection Mucem


Automate
La chèvre de Monsieur Seguin

Bois peint, tissu
1945

 « Être libre, c’est être seul arbitre de ce qu’on fait ou de ce qu’on ne fait point. »
Jean de La Bruyère, Caractères (Paris, 1688)
En bois sculpté et peint en blanc, ce protomé de chèvre présente de drôles d’oreilles basses, qui s’apparentent à celles d’une chèvre nubienne. Les yeux sont cernés par un large cercle noir, les pattes antérieures repliées, l’une relevée. Cette figure incomplète porte sur la planchette qui la maintient, l’inscription en noir « Chèvre de Mr Seguin ». Une robe de textile traduisant le pelage dissimulait cette identification. Portait-elle un fichu coloré sur la tête, assorti au pastiche de carré de soie bleu ciel noué autour de la gorge ?
Cette chèvre appartient à la série des "Animaux célèbres", réalisée d’après les dessins du prolifique illustrateur de presse Jean Effel (1908-1982), par la maison Roullet-Decamps, en 1945, à l’occasion des premières vitrines de Noël après la guerre. Enfin libérés, des milliers de passants et d’enfants émerveillés ont pu admirer les vitrines animées des grands magasins parisiens. Ces compositions féériques, avec des automates intégrés dans un décor, existent depuis le début du 20e siècle, et la maison Roullet-Decamps en fut le fabricant précurseur. L’État s’est porté acquéreur de ces ensembles, dont les pièces sont déposées et visibles au musée des automates de Souillac, en Dordogne.
La Chèvre de Monsieur Seguin est la « lettre » la plus populaire d’Alphonse Daudet. Né à Nîmes le 13 mai 1840, l’écrivain peut publier Les lettres de mon moulin en 1866, sous forme de feuilletons dans le journal l’Événement, sous le titre de Chroniques provençales. L’esprit parisien du Second Empire s’y mêle à la poésie populaire de son pays. La série de contes est un clin d’œil à son ami Frédéric Mistral ; les deux écrivains méridionaux se sont rencontrés à Paris.
La Chèvre de Monsieur Seguin paraît le 14 septembre 1866. Certains ont vu dans le loup la préfiguration du Prussien, qui occupe le second recueil de Daudet publié en 1873, Les Contes du lundi inspirés par la guerre de 1870 et la Commune. La lettre est adressée à Monsieur Pierre Gringoire, poète lyrique à Paris, qui mène, d’après l’auteur, une vie de bohème.
« Tu prétends rester libre à ta guise jusqu’au bout… Eh bien, écoute un peu l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin. Tu verras ce que l’on gagne à vouloir vivre libre. »
« Ah ! Gringoire, qu’elle était jolie la petite chèvre de Monsieur Seguin ! Qu’elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs qui lui faisaient une houppelande […] un amour de petite chèvre […] »
Monsieur Seguin n’avait jamais eu de chance avec ses chèvres. « C’était, paraît-il, des chèvres indépendantes, voulant à tout prix le grand air et la liberté. » Il avait perdu six chèvres de la même façon, si bien qu’il prit soin de prendre la septième toute jeune, « pour qu’elle s’habituât mieux à demeurer chez lui. » Tout serait donc question d’éducation, de conditionnement, ou d’habitude ? Il l’attacha à une corde suffisamment longue, pour lui laisser du mouvement. Il lui proposa même d’allonger encore la longe… Malgré cela, un jour, « L’ennui lui vint. » La chèvre avait besoin de prendre le large, de s’aventurer plus loin. Fâché, le Maître l’emporta « dans une étable toute noire, dont il ferma la porte à double tour. » Mais Blanquette sortit par la fenêtre. Elle est condamnée par avance ; pourtant, elle tente le risque, happée par l’appel de la montagne. Elle préfère quitter la sécurité de l’enclos, pour l’inconnu. Les autres chèvres l’ont précédé, au péril de leur vie. Elle le sait, la vieille Renaude, forte comme un bouc, s’est battue toute la nuit et a fini par être croquée elle aussi, aux lueurs de l’aube. L’histoire, prévisible, s’est répétée. La chèvre de Monsieur Seguin s’est extasiée une journée dans la nature offerte. Rassasiée ? Elle s’est régalée. Et puis le matin, le loup l’a mangée.
« Tu m’entends bien, Gringoire ? E piei lou matin lou loup la mangé »
Caroline Chenu, chargée des collections
1985.25.277.8

 

 

© Mucem / Alain Leloup

Maison à Annaba © Mucem / Alain Leloup


Alain Leloup
Maison à Annaba

Algérie, 1979
Tirage argentique sur papier
30 x 45 cm
Cette photographie a été prise en 1979 dans un appartement d’Annaba, métropole côtière du Nord-Est de l’Algérie. Son auteur, Alain Leloup, accompagnait alors des collègues du journal Nice Matin dans la réalisation d’un film documentaire sur des familles algériennes partagées entre Nice et la région d’Annaba. Pour ces journalistes et le photographe, militants de gauche, ce tournage était l’occasion de découvrir la république socialiste algérienne, encore relativement jeune après l’indépendance obtenue en 1962 et les différents gouvernements qui s’étaient succédés depuis.
Dans l’appartement citadin, l’attention du photographe a été retenue par cet ensemble hi-fi dernier cri, composé d’un tourne-disque, d’un magnétophone à bande Grundig, fabriqué en Allemagne de l’Ouest, et d’enceintes de la marque néerlandaise Philips. Il a également immortalisé un arrangement de vinyles représentatifs de l’actualité musicale de l’époque, notamment l’album disco-électronique Once Upon a Time de Donna Summer (1977), l’alliance disco-flamenco de Santa Esmerlada dans The House of the Rising Sun (1978), le premier disque de l’éphémère groupe Belle Époque, Miss Brodway (1977), ainsi qu’une compilation de succès contemporains parue en 1977. Cette composition, à sa manière, témoigne de la globalisation culturelle qui s’accélère dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Une globalisation qui nous saute aux yeux aujourd’hui, à l’heure où une pandémie mondiale nous amène à consommer nombre de films, séries et créations musicales également partagés par une grande partie de la population de la planète.
Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine
2018.94.1.80

 

 

Maillot de bain, Vers 1900, Coton © Mucem


Maillot de bain

Vers 1900
Coton
Mucem

Sous ses allures de pyjama, cette pièce des collections textiles du Mucem est en réalité … un maillot de bain !  

Au XVIIIe siècle, le bain de mer est encore pour l’essentiel une pratique thérapeutique, prescrite par des médecins et visant à fortifier le corps par immersion dans de l’eau salée – et surtout froide. Un siècle plus tard, si les discours hygiénistes continuent de soutenir ces pratiques balnéaires, le bain de mer devient également un loisir, et les personnes à s’y essayer sont de plus en plus nombreuses. Lieu de santé, mais aussi lieu de plaisir, la plage déjà est un espace où les manières de se déplacer, de se tenir, de s’habiller, répondent à des codifications précises...(Lire la suite)
Quel est alors l’habit qui convient à ces nouvelles pratiques ? Autour de 1900, le maillot de bain pour homme est largement inspiré du sous-vêtement masculin. A la fin du XIXe siècle, celui-ci peut prendre la forme d’une combinaison dont les matières naturelles – on alterne entre laine et coton en fonction de la saison – sont notamment prisées pour leurs vertus absorbantes. Le sous-vêtement une pièce, qui combine caleçon long et maillot de corps, à l’avantage de ne pas serrer la taille et d’éviter les plis de chemise jugés disgracieux. Sa forme, tout comme son matériau, deviennent alors les modèles des premières combinaisons sportives comme du costume de bain masculin, pour lequel on privilégie toutefois les couleurs sombres – et moins transparentes une fois le jersey trempé dans l’eau. La mode des rayures, qui s’affiche déjà à la fin du XIXe siècle dans les portraits de baigneurs par Gustave Caillebotte, puis à la Belle Epoque dans les films des Frères Lumières, perdure pendant les premières décennies du XXe siècle – elles peuplent, entre autres, le film que Man Ray tourne à la villa Noailles à Hyères (Les Mystères du Château de Dé, 1928), ou encore les nombreuses scènes de plage dans la peinture de Pablo Picasso.

Camille Faucourt, conservatrice au Mucem
1969.60.4
Contrepoids de suspension de lampe à pétrole, Daniel Sibille, Saint-Véran, France, 1953 © Mucem

Contrepoids de suspension de lampe à pétrole, Daniel Sibille, Saint-Véran, France, 1953 © Mucem


Contrepoids de suspension de lampe à pétrole

Daniel Sibille,
Saint-Véran, France,
1953

« La nuit, tous les chats sont gris » et leur faculté de nyctalopes fait qu’ils n’ont nullement besoin de lumière pour chasser les souris. C’est donc avec un humour certain que Daniel Sibille,  berger né en 1883 dans le village de Saint-Véran, village des Hautes-Alpes réputé l’un des plus haut d’Europe et à la forte tradition d’ébénisterie, a sculpté ce chat tenant une souris dans la gueule. Ou peut-être voulait-il qu’on lui donne la langue au chat, ne sachant pas à quoi pouvait servir un tel objet...(Lire la suite)
Dans un bois feuillu indigène, le berger s’est fait sculpteur et tourneur sur bois et a fait de ce chat le contrepoids d’une lampe à pétrole, élément indispensable du foyer avant la diffusion de l’électricité. A l’aide d’une poulie, l’élément chat-contrepoids devait pouvoir s’abaisser à volonté pour éclairer la cuisine, la fougagno, de la maison-ferme de Daniel Sibille. Dans des enregistrements sonores conservés dans les collections du Mucem, le berger raconte en effet ses conditions de vie dans le Queyras des années soixante, entre le gardiennage des moutons, la transhumance, le nettoyage, le filage et le tissage de la laine, le tirage au sort pour la coupe du bois ou les veillées au coin du feu ou à la lumière probable d’une lampe à pétrole.
Françoise Dallemagne, chargée de recherches et de collections
1963.160.6

 

 

Après l'évasion, Chanson France, 1899, Papier imprimé © Mucem

Après l'évasion, Chanson France, 1899, Papier imprimé © Mucem


Après l'évasion—Chanson

France
1899
Papier imprimé
27.3 x 17.5 cm
Chanson monologue
Paroles de Georges Alain, Musique de Vaunel
Editée par Marcel Labbé
Au tournant du XIXe et du XXe siècle l’Europe est en tension. La crise bancaire connue sous le nom de Grande Dépression provoquera la faillite de centaines de banques, à Vienne, à Paris, à Berlin et à New York. Entre 1870 et 1871, la guerre qui oppose la France à la Prusse est un désastre du côté français. L’empereur Napoléon III est capturé lors de la défaite de Sedan...(Lire la suite)
 
La IIIe république est proclamée mais, au terme de la capitulation française face à la Prusse, le peuple craint pour sa souveraineté et se révolte contre le pouvoir. La Commune de Paris, qui oppose le peuple républicain à la bourgeoisie conservatrice, bouleverse la vie politique en France. Louise Michel, qui l’une des figures les plus remarquables de la Commune, est déportée en Nouvelle-Calédonie pendant sept ans. Quelques années plus tard, la France se déchire autour de l’affaire Dreyfus qui, arrêté en 1894 pour être déporté et détenu en Guyane, ne sera réhabilité qu’en 1906. Dans cette période marquée par l’instabilité, l’inquiétude, la mort, les déportations, et les enfermements, les Français sont alors avides de spectacles qui les distraient et de chansons comiques qui leur apportent le sourire.

Le Mucem conserve dans ses collections une immense quantité de partitions et de textes imprimés des chansons françaises publiées depuis la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1960. « Après l’évasion » est une chanson monologue écrite dans l’esprit du temps. Cette chanson loufoque nous parle pêle-mêle d’évasion, de « nichons à roulettes » et d’une « invention nouvelle ». On y entend les noms de la Mer Rouge et du Saharah (sic.), du Shah de Perse et de la République du Groënland. Rien de cohérent bien sûr, si ce n’est l’évocation d’un ailleurs où l’on peut s’évader, et rêver aux promesses d’un avenir ouvert.
« Après l’évasion » a été créée sur scène par Vaunel (1856-1912), qui était alors un des artistes les plus appréciés des Parisiens. Il se produisait régulièrement au théâtre de l’Eldorado (où Mistinguett fera ses débuts) comme chanteur comique. Sa célébrité est telle que, pour mieux vendre le livret imprimé de la chanson, la couverture est ornée de son portrait.
Vincent Giovannoni, Conservateur en chef du patrimoine

Agrandir le texte de la chanson

1965.149.8
Maroni Guyane, Daniel Capbal (1861-11942) Années 30 Saint Laurent du Maroni, Guyane © Mucem


Maroni, Guyane

Daniel Capbal (1861-1942)
Années 1930
Saint Laurent du Maroni, Guyane
Peinture à l’huile sur tôle
22 x 29 cm

Un front fuyant, des yeux marrons, une grande bouche et, tatoués sur la poitrine, des mots de « haine », de « mort » et de « vengeance ». Telle est la description, peu flatteuse, que nous livre le registre des matricules des condamnés au bagne guyanais du relégué n°6628, Daniel Capbal (1861-1942), l’un des peintres bagnards les plus prolifiques des années 1930...(Lire la suite)
Condamné à quatre ans d’emprisonnement pour vol et usurpation de fonction en 1899 à Alger, arrivé à Saint Laurent du Maroni en juin 1901, Daniel Capbal ne repartira finalement jamais de Guyane. Coupable de récidive  sur le sol de la colonie, il est interdit de retour en métropole et un temps contraint aux travaux forcés. Comme tant d’autres de ses compagnons d’infortune, Capbal ne tarde pas à se lancer dans la « camelote » en produisant de menus objets, en l’occurrence des peintures, qu’il revend aux administrateurs pénitentiaires intéressés. L’argent ainsi glané permet d’améliorer quelque peu le quotidien, en s’offrant des produits alimentaires complémentaires ou du tabac. Le plus souvent réalisés en matériaux recyclés ou subtilisés au sein des ateliers du bagne ou recyclés (calebasses, toiles d’uniformes, tôle), ces objets sont produit en masse par les bagnards, amenant l’administration pénitentiaire à en interdire ponctuellement le commerce. Certaines créations possèdent néanmoins des qualités artistiques indéniables qui révèlent le talent de leur auteur.

C’est le cas de Capbal, qui se spécialise dans la peinture sur tôle. Ses compositions réalisées sur des ovales découpés dans des fûts d’huile puis aplatis sont très reconnaissables. L’artiste relégué privilégie des visions apaisées et idylliques d’une nature exotique et luxuriante, observée sur le Maroni. Les arbres recouverts de lianes sont longilignes, les ciels dégagés sont bleutés ou rosés. Dans cet environnement sauvage où toute âpreté semble avoir disparu, il place de petites figures, Amérindiens et Bushinengés (ou Noirs marrons), occupés à chasser, pêcher ou naviguer sur le fleuve. Nul doute que ces paysages, tout à fait inoffensifs dans leur sujet, devaient plaire à la clientèle locale. Peut-être permettaient-ils au peintre lui-même de s’évader et de rêver à une autre vie, loin du bagne et de ses privations…

 Six des œuvres de Daniel Capbal sont aujourd’hui à découvrir au sein des collections du Mucem, aux côtés d’autres œuvres de peintres bagnards, tels L.K., Casimir Prenefato et Louis Grilly.

Camille Faucourt, conservatrice du patrimoine au Mucem
2001.41.19
L'hygiene en images, Imprimerie lithographie de Pellerin Epinal, France, 1875 © Mucem

L'hygiene en images, Imprimerie lithographie de Pellerin Epinal, France, 1875 © Mucem


L’hygiène en image

Imprimerie lithographique de Pellerin, à Épinal
France
1875
Estampe : gravure sur bois, imprimée et coloriée, sur papier
40.2 x 30.2 cm
La seconde moitié du XIXe siècle connait de vastes épidémies. De 1865 à 1870, la variole, maladie hautement contagieuse qui se transmet par la toux et les éternuements mais aussi par des contacts rapprochés avec un malade, frappe durement la France. Lorsque notre pays entre en guerre avec la Prusse en 1870, la concentration des soldats favorise la circulation du virus, qui fera plus de morts que la guerre elle-même. Quelques décennies plus tôt, pour protéger les populations de cette maladie redoutable, un médecin anglais avait mis au point un procédé consistant à inoculer une forme atténuée de la maladie : la variole des vaches, ou vaccine (du latin vacca, qui signifie « vache »). 
En 1870, hélas, les soldats français sont mal vaccinés, et ceux qui ne meurent sur le champ de bataille développent la maladie dans l’ensemble des camps de prisonniers de l’empire allemand (empire né de la défaite de la France et proclamé, ultime humiliation, en janvier 1871 au château de Versailles). La pandémie s’étend rapidement à l’échelle du monde, et provoque la mort d’au moins 500 000 personnes. Dès 1878, le chimiste Louis Pasteur développe les vaccins (dont celui contre la rage, en 1885) qui lui valent une renommée internationale. La révolution industrielle et la foi absolue en la puissance du progrès donnent aux biologistes, aux chimistes et aux médecins les moyens de mettre en évidence le rôle des microbes, bactéries et virus pour mettre enfin l’hygiène publique au premier rang des politiques de lutte contre la propagation des maladies humaines.

L’Imagerie d’Épinal accompagne le développement de la pensée hygiéniste, et fait ainsi imprimer cette planche qui rappelle par le texte et par l’image les principes fondamentaux qui permettent de préserver la santé de tous et de chacun. La dernière case de cette planche explique au lecteur que « en favorisant en soi les éléments de vitalité et en combattant les causes de destruction, l’homme doué d’une bonne constitution native prouvera par une belle vieillesse qu’il n’a pas gaspillé les jours qui lui ont été donnés ».
Agrandir l'image

Vincent Giovannoni, Conservateur en chef du patrimoine
1950.39.2609
 
Sources
Gérard Jorland, 2011, Une société à soigner : Hygiène et salubrité publiques en France au XIXᵉ siècle, Gallimard
Bruno Latour, 2011, Pasteur : guerre et paix des microbes. Suivi de Irréductions, éd. La Découverte (1ère éd. 1984)

 

Fleurs artificielles, emporte-pièce et presse, Maison Francou, XXe siècle, Paris, France © Mucem

Fleurs artificielles, emporte-pièce et presse, Maison Francou, XXe siècle, Paris, France © Mucem

Fleurs artificielles, emporte-pièce et presse, Maison Francou, XXe siècle, Paris, France © Mucem

Fleurs artificielles, emporte-pièce et presse, Maison Francou, XXe siècle, Paris, France © Mucem

Fleurs artificielles, emporte-pièce et presse, Maison Francou, XXe siècle, Paris, France © Mucem

Fleurs artificielles, emporte-pièce et presse, Maison Francou, XXe siècle, Paris, France © Mucem


Fleurs artificielles, emporte-pièce et presse

Maison Francou
XXe siècle
Paris, France
Fil de fer, plastique, fil de coton, tissu synthétique, papier, bois et métal

Fondée en 1885 par Charles Francou, la maison éponyme fut reprise par son fils, également prénommé Charles. Située 66 rue René Boulanger, dans le 10ème arrondissement de Paris, l’entreprise se composait de deux pièces : une boutique donnant sur la rue et un atelier. A la mort de Francou fils, le mobilier de la boutique ainsi que le fonds de l’atelier, furent cédés au Musée national des Arts et Traditions populaires...(Lire la suite)
C’est ainsi que le Mucem possède aujourd’hui une caisse enregistreuse, un comptoir de vente et deux grands meubles à tiroirs assortis de fleurs prêtes à être achetées : camélias, primevères, édelweiss, boutons d’or, roses de toute sortes. L’atelier, lui, contient deux presses, deux tables pour la confection des fleurs, un séchoir en métal, des râteliers à petit outillage, environ six cents outils pour découper, teindre et gaufrer les fleurs, dont près de quatre cents emporte-pièce (destinés à découper les pétales dans le tissu en les frappant d’un maillet) et deux rayonnages contenant une quarantaine de boites. Ces dernières renferment les matières premières : tissus (satin, soie, nansouk, pongé, velours…), cuirs (lézard, serpent, galucha…), fourrure, nacre, papier, graines pour les cœurs des fleurs, perles et ceps (fils de métal) pour les tiges. 
Des archives intéressantes pour renseigner sur l’activité de la maison Francou ont accompagné cette acquisition (livres de comptes, factures, annuaires des fabricants de fleurs artificielles…), faisant de ce fonds un témoignage quasi exhaustif de la vie d’une entreprise parisienne du XXesiècle.
Inspirez-vous de cette maison et reconstituez chez vous l’atelier de confection de fleurs artificielles de la maison Francou. Pour cela, il vous suffit de vous munir de papier coloré, d’emporte-pièce à motif végétal et de tiges métalliques.

Julia Ferloni, conservatrice du patrimoine au Mucem 
1972.150.559. 1 1972.150.931.337 1972.150.931.357 1972.150.337.1

 
Affiche garantissant la libre circulation dans Paris Imprimerie Lottin, Paris 23 juillet 1789 Papier 51,5 x 41 cm 1977.68.51 © Mucem

Affiche garantissant la libre circulation dans Paris Imprimerie Lottin, Paris 23 juillet 1789 Papier 51,5 x 41 cm 1977.68.51 © Mucem


 Affiche garantissant la libre circulation dans Paris

Imprimerie Lottin, Paris
23 juillet 1789
Papier
51,5 x 41 cm

Cette affiche éditée par l’Hôtel de Ville de Paris le 23 juillet 1789, aux premiers instants de la Révolution française, rétablit la circulation à l’intérieur de la capitale... (Lire la suite)
Il faut dire que la ville était en proie à une grande agitation depuis la nomination du très impopulaire baron de Breteuil comme principal ministre du roi le 11 juillet, agitation qui culmine bien sûr par la prise de la Bastille le 14. La veille de cette proclamation, l’intendant de Paris Bertier de Sauvigny, qui contrôlait l’administration locale au nom de la Couronne, a été pendu et démembré devant l’Hôtel de Ville même par les émeutiers, persuadés qu’il détournait du grain au détriment du peuple.
En tête de cette affiche officielle, une petite scène représente une figure aquatique tenant un trident tel le dieu romain Neptune, et une divinité du vent soufflant dans la voile d’un navire, emblème de la ville de Paris hérité de l’antique et puissante corporation des armateurs de la Seine.
Entre autres mesures d’apaisement, l’affiche annonce que « les voitures, de quelque espèce qu’elles soient, n’auront d’autre contrainte, dans l’intérieur de Paris, que d’aller au pas, ou au petit trot. Les spectacles seront ouverts, et les promenades publiques fréquentées, comme à l’ordinaire. Les boutiques, les ateliers, les manufactures seront rendus à leur activité ordinaire ; et tous les citoyens sont invités avec instance de répandre partout l’ordre et le calme, et de poursuivre avec vigueur les perturbateurs du repos public. »
Les grands événements historiques de 1789 ont ainsi affecté tous les aspects de la vie urbaine, et pas seulement dans la capitale. Et comme toujours lorsqu’il faut rassurer les citoyens inquiétés et mis dans l’embarras par une crise extraordinaire, la reprise des activités économiques, l’accès aux lieux de promenades et le rétablissement des loisirs sont une priorité.
Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine au Mucem en charge du pôle Vie domestique


1977.68.51
 
Volière Métaux et bois peints, début du 20e siècle 1999.28.1 © Mucem

Volière Métaux et bois peints, début du 20e siècle 1999.28.1 © Mucem


Volière

Métaux et bois peints, début du 20e siècle
Si un seul oiseau est en cage, la liberté est en deuil écrivait Jacques Prévert dans son recueil de poésie Fatras paru en 1977. Tels des oiseaux enfermés dans une cage, le confinement auquel nous sommes assignés nous prive de cette liberté d’aller et venir à notre guise... (Lire la suite)
Si pour certaines sociétés, accrocher une cage avec un animal «chantant » à l’entrée de sa maison est source de bonheur, que ce soit une cage à grillon au Portugal, une cage à cigale en Provence ou la cage d’un chardonneret au Maghreb, c’est plus sûrement pour leur ramage et leur plumage que des oiseaux étaient enfermés dans cette volière en forme de tour Eiffel.
L’imagination des artisans est à cette époque sans borne pour offrir aux volatiles une cage digne d’être habitée : châteaux, temples, pyramides, églises et même réplique de Notre-Dame de Paris. Réalisée en différents métaux peints (fer, zinc, cuivre et laiton) avec une base en bois au début du 20e siècle, la volière mesurant 2,4 mètres de haut et 1 ,13 mètre de large est très proche de la réalité, mises à part quelques simplifications d’armature. Elle provient d’une maison bourgeoise d’Orléans ou elle abritait probablement serins, canaris ou perruches dans le jardin d’hiver de cette grande demeure, au milieu de plantes exotiques luxuriantes.

Faire entrer l’extérieur à l’intérieur de l’espace privé est en effet une tendance autrefois réservée à l’aristocratie qui s’ouvre dès le 19e siècle aux riches intérieurs bourgeois, par le biais de la décoration, de papiers peints, de tableaux accrochés aux murs, de panneaux de céramique colorés ou de tapis de soie. La modernité entre elle aussi dans les intérieurs privés avec l’installation de l’électricité, du gaz ou de l’eau courante. Modernité qui s’expose aussi lors de grandes expositions universelles telle celle tenue à Paris en 1889 et qui commémore le centenaire de la Révolution française. Pour l’occasion, une gigantesque tour de fer de plus de 300 mètres de haut est construite sur le Champ de Mars par un ingénieur visionnaire, Gustave Eiffel (1832-1923). La tour Eiffel, aujourd’hui monument le plus visité de la capitale, est devenue depuis son édification une source d’inspiration inépuisable pour de nombreux objets-souvenirs ou bibelots de décoration. Mais elle est aussi très fortement décriée dès le dévoilement de son projet en 1886. Elle est appelée tour à tour « immonde colonne de tôle », « lampadaire tragique », « squelette de beffroi » (par Paul Verlaine), « grande girafe toute percée ».  Sous la plume du critique d’art J.K. Huysmans, elle devient un « suppositoire criblé de trous », un « flacon clissé de paille peinte », mais surtout une « volière horrible ». Une utilisation toute trouvée pour la vénérable Dame de fer ! Avant que Guillaume Apollinaire n’en fasse la bergère des ponts de Paris dans ses Calligrammes…
Françoise Dallemagne, chargée de recherches et de collections
1999.28.1

 

Olivier Perrin, La veillée, tiré de la Galerie bretonne, vers 1805-1808. Mine de plomb sur papier vergé, 25,5 x 20,5 cm. 1958.37.1.57 © Mucem

Olivier Perrin, La veillée, tiré de la Galerie bretonne, vers 1805-1808. Mine de plomb sur papier vergé, 25,5 x 20,5 cm. 1958.37.1.57 © Mucem


Olivier Perrin, La veillée, tiré de la Galerie bretonne

Vers 1805-1808.
Mine de plomb sur papier vergé,
25,5 x 20,5 cm.

Quand nous serons fatigués de jouer au Scrabble, aux petits chevaux ou aux jeux vidéo, il sera temps de chercher de nouveaux amusements en contexte confiné. Alors les fonds du Mucem peuvent fournir quelques idées de jeux, comme celui esquissé ici au cours d’une veillée bretonne des années 1800, « la main chaude »...(Lire la suite)
Dans ce jeu collectif, un joueur se tient courbé sur les genoux d’un autre, les yeux fermés, une main ouverte dans son dos. Les autres participants se tiennent derrière lui et désignent l’un d’entre eux, qui frappe alors la main du premier joueur. Celui-ci se retourne et doit trouver qui l’a frappé. Si le coupable est démasqué il prend la place de la victime. Ici la scène se passe dans une ferme du Finistère pendant une veillée. Le joueur devra deviner laquelle de ses parentes a arrêté un instant de filer la laine pour le frapper. Olivier Perrin évoque ainsi une manière qu’avaient ses contemporains d’occuper leurs soirées dans l’espace confiné de la salle commune.

Olivier Perrin (1761-1832) est un dessinateur et ethnographe breton, qui fait ses armes à Paris dans l’atelier du peintre Gabriel Doyen, élève de Van Loo. Pendant la Révolution française, il retourne dans le Finistère. Il y dessine sa Galerie bretonne, une importante série de scènes de la vie quotidienne des paysans du Finistère à l’aube du XIXe siècle, de la naissance aux funérailles en passant par le mariage, les travaux des champs, la religion et les affaires villageoises. Son œuvre semble inspirée par les scènes de genre hollandaises du XVIIe siècle et par les bambocenti italiens, de petits tableaux décrivant des scènes populaires, mais elle a également une véritable valeur ethnographique.
Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine au Mucem

1958.37.1.57

 
Paravent esseber, Hoggar, Algérie, milieu du 20e siècle © Mucem /Christophe Fouin

Paravent esseber, Hoggar, Algérie, milieu du 20e siècle © Mucem /Christophe Fouin


Paravent esseber

Hoggar, Algérie,
milieu du 20e siècle

L’esseber est une natte-paravent constituée d’un tressage d’herbes du Sahara appelées panic et de laine, reliées entre elles par de fines lanières de cuir qui dessinent des rangées horizontales de motifs géométriques de couleur (étoiles, losanges…)...(Lire la suite)
La confection d’un esseber qui mesure souvent plusieurs mètres de long, est un travail exclusivement féminin qui requiert dextérité et patience. Il faut d’abord cueillir les tiges de panic, les faire sécher puis procéder au tressage.
Ce paravent, déroulé le long de piquets, sous l’auvent de la tente des Touaregs nomades protège les occupants du vent, du sable de la poussière et des regards indiscrets. Durant la journée, la natte sert aussi à délimiter un espace devant la tente. Elle forme ainsi un dedans, un espace domestique à l’extérieur de la tente qui est déplacé au gré du nomadisme de plus en plus sporadique des Touaregs. Pour les tribus targuis du Sahara qui se sédentarisent de plus en plus, l’esseber continue à être utilisé à l’intérieur des maisons ou des huttes, comme un ultime témoignage de leur vie nomade. Il perd ainsi son rôle utilitaire de protection vis-à-vis de l’extérieur pour devenir purement décoratif et obtenir un statut d’objet de la vie domestique.

Françoise Dallemagne, chargée de collections et de recherches au Mucem

2003.8.55
Boîte de contorsion de Chester Kingston Fabrication franco-américaine 1ère moitié du 20e siècle, Mucem

Boîte de contorsion de Chester Kingston Fabrication franco-américaine 1ère moitié du 20e siècle, Mucem

Chester A. Kingston. The Chinese Puzzle by his wife Huile sur toile, Marthe Kiesling-Debussy dite Esmeralda, 1970 © Mucem

Chester A. Kingston. The Chinese Puzzle by his wife Huile sur toile, Marthe Kiesling-Debussy dite Esmeralda, 1970 © Mucem

Numéro de Chester Kingston, Dessin, Marthe Vesque, Versailles, 7 août 1929 © Mucem

Numéro de Chester Kingston, Dessin, Marthe Vesque, Versailles, 7 août 1929 © Mucem


Boîte de contorsion de Chester Kingston

Fabrication franco-américaine
1ère moitié du 20e siècle

L’artiste américain Chester Kingston, de son vrai nom Chester A. Kiesling, né le 30 avril 1893 à New York, dans le quartier de Brooklyn, fut l’un des contorsionnistes les plus célèbres du 20ème siècle. Costumé en Chinois, cet homme caoutchouc se disloquait pour entrer dans une boîte à thé d’à peine 42 cm de large sur 50 cm de long...(Lire la suite)
Immortalisé par les sœurs Vesque, dessinatrices du Muséum national d’histoire naturelle dans plusieurs croquis aquarellés proches de la bande dessinée, il parvenait aussi à s’imbriquer dans les volutes d’une chaise Thonet. Il est ici peint par sa partenaire à la scène comme à la ville, Marthe Kiesling-Debussy, nièce du compositeur Claude Debussy, connue sous le pseudonyme hugolien d’Esmeralda, la reine des Castagnettes. Elle le représente tel Valentin le désossé, dans les différents « tours » de son activité circassienne. A le voir ainsi niché dans cette boîte, on imagine sans peine qu’il aurait pu devenir le roi de l’évasion !

Le Mucem conserve dans ses collections des archives et photographies du contorsionniste Chester Kingston, plusieurs dessins des sœurs Vesque le représentant, ainsi que de nombreux accessoires lui ayant appartenu : malles et valises, boîte à maquillage, costume chinois, table de contorsion, et la fameuse boîte décorée d’un dragon et d’un serpent chinois, dans laquelle il parvenait à se lover.
Françoise Dallemagne, chargée de collections et de recherches au Mucem

1958.61.4.1
 
Narguilé de femme et sa soucoupe, Bohème pour Istanbul, début XIXe siècle © Mucem

Narguilé de femme et sa soucoupe, Bohème pour Istanbul, début XIXe siècle © Mucem


Narguilé de femme et sa soucoupe

Bohême pour Istanbul, début du XIXème siècle
Verre coloré de Bohême, métal et fourneau en céramique de Tophane partiellement dorée
Haut. 42,8 cm; larg. 16 cm

« Le narguilé est un appareil très élégant ; il offre aux yeux des formes inquiétantes et bizarres qui donnent une sorte de supériorité aristocratique à celui qui s’en sert. »...(Lire la suite)
En 1838, Balzac décrit ainsi le narguilé dont il vient de découvrir l’usage, à Nohant, auprès de George Sand. Il est destiné à transformer en vapeur, du tabac parfumé. Fumer le narguilé permet d’arrêter le temps et de se consacrer au kief, le temps du rêve et de l’imagination créatrice. Son partage, de mains en mains, encourage aussi le temps de la conversation et de la sociabilité. La fumée, ses volutes, le glou–glou de l’eau comme seul bruit qui trouble le silence, le temps suspendu…
Mireille Jacotin, conservatrice du patrimoine au Mucem responsable du pôle « Vie publique »
2006.4.1.1 et 2
 
 
The Beatle, Lady Madonna © Mucem

The Beatle, Lady Madonna © Mucem


The Beatles, Lady Madonna

Pochette de disque en papier épais imprimé
18 x 18 cm, 1968
Graphiste : J.-C. Trambouze

Le confinement imposé par la pandémie mondiale du Covid-19 donne lieu à des manifestations philanthropiques, notamment au profit des travailleurs de la santé. Ainsi, le concert planétaire du 18 avril 2020 One World : Together At Home, organisé à l’instigation de Lady Gaga et l’association caritative Global Citizen, a fédéré près de quatre-vingt célébrités, réunies virtuellement par l’événement, dans les conditions du confinement.
Paul McCartney a choisi de célébrer une autre Lady, qu’il a chantée avec les Beatles : Lady Madonna. Dans les circonstances actuelles, il rend hommage de cette manière à sa mère, infirmière de guerre, et aux personnels soignants. Tandis que le spectacle était multi-plateforme (télévision et internet), nous choisissons de vous présenter la pochette du disque vinyle de ce morceau, provenant de la collection du Golf-Drouot.

Cette pochette, sortie le 18 mars 1968 en France, trois jours après le lancement en Grande-Bretagne, a été produite pour la vente hexagonale, distribuée par le label EMI / Odéon. La chanson Lady Madonna est écrite et composée par Paul McCartney (John Lennon est également crédité). Le titre The inner light, qui apparaît en bas à gauche, constitue la face B du disque. C’est la première composition de George Harrison sur un single ; elle est influencée par la musique classique indienne. 
Punaisée en décor de chambre d’adolescent à côté des posters offerts dans les magazines spécialement ciblés pour les jeunes, qui se développent alors, la pochette de disque est devenue dans les années 1950 un support graphique et publicitaire, qui doit attirer l’œil et donner l’envie de la posséder. L’esthétique de la pochette doit refléter l’esprit de l’artiste et de la musique. Si elle se révèle plus pointue sur les albums 33-tours, le petit format du 45-tours force à une image moins perfectionnée, plus percutante. Cependant, cette pochette, réalisée par le dessinateur français Jean-Claude Trambouze, est un chef-d’œuvre de graphisme. Telle une affiche symboliste, elle allie la recherche typographique à des motifs poétiques, pour une belle efficacité visuelle. L’année de la sortie 1968 est celle de l’apogée du mouvement psychédélique, qui se caractérise par formes biomorphiques, des arabesques bigarrées et des couleurs retentissantes. Les ornements stylistiques s’inspirent de l’Art Nouveau et de l’Op Art et recréent les sensations visuelles suscitées par les hallucinogènes. Les premiers représentants de ce courant alternatif né en Californie sont Wes Wilson, Victor Moscoco et Lee Conklin.
Ici, le titre est incorrect. Lady Madonna, est précédée de l’article The, supprimé sur les impressions suivantes. Les traits noirs et les aplats bicolores tracent un vitrail Tiffany vu sous acide. Le méandre tout en sinuosités et les couleurs orange et rose acidulées produisent un effet cinétique qui évoque une toile arachnéenne dans laquelle Lady Madonna serait prisonnière, empêtrée dans le filet de sa destinée. Le lettrage blanc arrondi, élégant, profile des volutes de fumée, des nuages blancs, une échappatoire opaque, dont les contours se poursuivent en entrelacs qui envahissent le fond traité en aplat de couleurs discordantes (et associées en Inde). On distingue un cœur, signe de l’amour, et le OM hindouiste, vibration spirituelle : en somme, des halos de liberté. 
Si le rythme de la musique est entraînant et joyeux, les paroles sont une ode aux mères célibataires, chargées seules de tout pour leurs enfants, l’éducation, l’affection, l’attention. La figure de la mère-courage est comparée par McCartney à une Sainte, la Madone, qui doit tout faire, à laquelle incombe l’ensemble des tâches ménagères, sans relais, ni soutien, avec le souci des ressources financières : « See how they run ».

Les paroles de The inner light (la lumière intérieure) sont adaptées d’un poème du sage taoïste Lao Tseu :
“Without going out of my door
I can know all things of earth”
Magnifique révérence et mise en lumière de la vie des mères célibataires, la chanson Lady Madonna, et cette pochette entière invitent à l’évasion et à l’introspection, par la musique.

Caroline Chenu, chargée de collections et de recherches au Mucem
2001.69.16.985
 
 
Olivier Perrin, La veillée © Mucem

Olivier Perrin, La veillée © Mucem


Jean Amblard, La veillée chez Jacques Sembel à Montcheneix

1944
Mine de plomb sur papier
47,5 x 70 cm

En cette période de confinement forcé, les vues d’intérieurs ruraux réalisées par Jean Amblard dans la France occupée pendant la seconde guerre mondiale vibrent d’une émotion particulière...(Lire la suite)
Jean Amblard (1911-1989) fait partie des quelques artistes employés par l’ancien musée national des Arts et Traditions populaires pour participer à ses enquêtes sur l’habitat rural en France dans les années 1940. Diplômé de l’École nationale supérieure des Arts décoratifs, il s’engage contre le fascisme au sein du Front national des Arts créé par les communistes. Le musée lui passe alors une commande de peintre-ethnographe, notamment pour lui garantir une activité de couverture et le mettre à l’abri de l’occupant nazi. Jean Amblard s’installe donc dans la région de Rochefort-Montagne, dans le Puy-de-Dôme, où il réalise une grande quantité de vues d’intérieurs paysans comme celle-ci.
Dans La veillée chez Jacques Sembel à Montcheneix, il retranscrit l’ambiance calme et feutrée des soirées dans un intérieur rural au milieu des années 1940. Plusieurs générations sont réunies dans une même pièce pour se tenir chaud et économiser l’éclairage. Tandis que les femmes s’adonnent à des travaux d’aiguilles, la conversation, les nouvelles du jour et peut-être les contes sont l’occupation principale de cette veillée. Deux hommes dorment déjà dans des lits mi-clos, surélevés pour les éloigner de la fraîcheur et de l’humidité du sol. Dans ce dessin, Jean Amblard rend compte du mobilier et des activités domestiques des paysans auvergnats comme le ferait un relevé scientifique ou une photographie. Mais il parvient également à suggérer, par sa composition et son trait dense qui ne laissent aucune place au vide, une impression de confinement calfeutré qui évoque l’atmosphère d’une veillée auvergnate.

Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine au Mucem

1944.3.28

Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve »

Léon Fillot
Paris, France
1er quart du XXe siècle
chromolithographie sur papier
8,5 x 10 cm
Achat à Auguste Guentleur

Naples, sa baie, son volcan, ses sites antiques, ses ruelles pittoresques et ses habitants hauts en couleurs, qu’ils soient pêcheurs ou danseurs de tarentelle… La célèbre cité italienne n’est pas dépourvue d’attraits, et constitue à ce titre l’une de destinations les plus prisées d’Italie...(Lire la suite)

Cela n’est pas nouveau. Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, les adeptes du « Grand Tour », ces aristocrates Européens qui sillonnent alors le continent par plaisir, goût de l’aventure et attrait pour la connaissance, ne manquent pas de s’y arrêter. Les géologues se passionnent pour les éruptions – fréquentes- du Vésuve ; les antiquaires s’intéressent au moindre vestige romain exhumé sur les sites de Pompéi et d’Herculanum ; les amateurs des arts admirent les œuvres de Luca Giordano et de Salvator Rosa conservées dans les églises et les palais. Cette fascination pour Naples ne se démentira pas au siècle suivant, alors que le voyage devient accessible à une plus large part de la population, physiquement… ou par l’imagination.

Avant que n’apparaissent la photographie et le cinématographe, un médium permet en effet aux couches les plus populaires de s’évader tout en restant chez elles : la lanterne magique. Cet appareil optique, apparu en 1659 aux Pays-Bas, permet en effet de projeter des images lumineuses agrandies sur un support. Peintes sur verre, plus tard imprimées sur du papier translucide, ces images sont fixes ou animées par trucage. Popularisée au XVIIIe siècle par les colporteurs qui transportent cette étrange invention de villages en villages, la lanterne magique investit petit à petit les foyers européens à partir des années 1830. D’abord support de divertissement, elle devient, dans la seconde moitié du 19e siècle, un outil pédagogique à destination des adultes comme des enfants. Des éditeurs spécialisés constituent alors des catalogues de milliers de plaques adressés aux instituteurs, aux nombreux organismes proposant cours du soir et conférences populaires, ainsi qu’aux familles. Les sujets sont divers : histoire, géographie, arts, contes, récits comiques, chansons populaires… Parmi eux, les vues de paysages et de sites lointains remportent un fort succès : grâce à la lanterne magique, le monde est désormais à portée de main... ou plutôt d’yeux. A l’image de cette série de douze plaques intitulée « Au pays du Vésuve », publiée dans la revue illustrée d’éducation populaire Après l’Ecole en 1906, les vues choisies décrivent généralement les monuments ou les paysages naturels les plus emblématiques du site évoqué.

De Pompéi à Paestum, d’Amalfi à Sorrente, à vous de vous laisser aller à rêver de voyage derrière votre écran…
Camille Faucourt, conservatrice au Mucem
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (2)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur © Mucem
1970.15.277 à 288
 
Voir les plaques
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (4)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (5)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (6)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (7)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (8)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (9)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (10)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (11)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur (12)
Série de 12 plaques de lanterne magique « Au pays du Vésuve », Léon Fillot, Paris, France, 1er quart du XXe siècle, chromolithographie sur papier, 8,5 x 10 cm, 1970.15.277 à 288, achat à Auguste Guentleur © Mucem
Boîtier pour mezouza, amulette de protection de la maison © Mucem, Yves Inchierman

Boîtier pour mezouza, amulette de protection de la maison © Mucem, Yves Inchierman


Boîtier pour mezouza, amulette de protection de la maison

Afrique du Nord
XIXe-début XXe siècle
Argent, bois
23,5 x 16 x 2 cm

Nous n’avons pas attendu l’épidémie de cette année pour protéger nos foyers par tous les moyens possibles. Quelles que soient les civilisations et leurs systèmes de pensée, la protection de la maison contre les voleurs, les maladies et autres causent invisibles du malheur est l’une des priorités de l’être humain...(Lire la suite)
Souvent on a recours à la puissance divine pour défendre la porte d’entrée contre les dangers de l’extérieur. Dans la tradition juive, c’est l’un des rôles de la mezouza : un petit parchemin comportant des passages bibliques, enfermé dans un boîtier accroché au chambranle de la porte. 

Le boîtier est souvent orné du caractère hébraïque qui commence l’un des noms de Dieu, Shaddaï. Ici, cette lettre est accompagnée d’une image du chandelier à sept branches, le plus ancien symbole commun du judaïsme. Elle fait référence à la menorah qui se trouvait dans le Temple de Jérusalem et dont la réalisation aurait été prescrite par Dieu lui-même, selon le livre de l’Exode. Ce signe distinctif sur la porte qui assure la protection du foyer rappelle un passage de la Bible, dans lequel Dieu recommande aux Hébreux asservis en Egypte de sacrifier un mouton et de marquer de son sang le linteau de leur porte. Ainsi, l’ange de la mort envoyé contre les enfants des Egyptiens reconnaît et épargne les maisons des fidèles.

Dans les autres religions d’Europe et de Méditerranée, la protection de la porte a longtemps été assurée par des images ou des textes saints portés sur le linteau ou les jambages : crucifix et ostensoirs dans le monde chrétien, extraits du Coran dans le monde musulman.

Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine au Mucem

2011.2.5
« Chez la coiffeuse », éditions Rossignol, Années 1950 - 1970, Papier 56 x 75,6 cm © Mucem

« Chez la coiffeuse », éditions Rossignol, Années 1950 - 1970, Papier 56 x 75,6 cm © Mucem


« Chez la coiffeuse »

Éditions Rossignol
Années 1950 - 1970 
Papier
56 x 75,6 cm
Mucem

Après la Seconde Guerre mondiale, les éditions Rossignol élaborent de nouveaux outils pédagogiques à destination des écoles. Si leurs cartes géographiques restées célèbres constituent aujourd’hui de véritables images d’Epinal de l’histoire de l’enseignement, d’autres productions graphiques sont consacrées à des scènes de la vie quotidienne...(Lire la suite)
Le Mucem en conserve plusieurs exemplaires, illustrant des moments de l’année (« la moisson », « le jardin au printemps », « la rivière en été »), des lieux (« au restaurant », « à la gare », « au cirque »), mais aussi des métiers, comme dans cette estampe consacrée à la coiffure. 
Le salon de coiffure, tel qu’on le connait aujourd’hui, est une invention du XXe siècle. A l’époque médiévale, dès la fin du XIIe siècle, le métier de barbier est lié à celui de chirurgien, et il faut attendre une série de réglementations tout au long de l’époque moderne pour que ses prérogatives soient distinctes du champ de la médecine. Les métiers de la coiffure, des gestes les plus modestes aux plus élaborés (souvent liés à l’art de la perruque), s’exercent alors majoritairement au sein de l’espace domestique. Mais le tournant des XIXe et XXe siècles, et plus particulièrement les années qui suivent la Première Guerre mondiale, occasionnent de nombreux bouleversements dans le domaine. Plusieurs inventions techniques – relatives au séchage, au frisage ou à la coloration – nécessitent de se rendre en salon. De nouvelles modes capillaires, tout particulièrement dans la coiffure féminine des années 1920 qui privilégie la coupe courte, accélèrent cette tendance en faisant des salons des lieux prisés, faiseurs de mode. Les débuts de la société de consommation, à partir des années 1950, marquent un nouveau tournant dans cette histoire. L’estampe des éditions Rossignol, qui met en scène l’élégance des clientes dans un espace où les savants appareils de coiffure côtoient le très moderne téléphone, est aussi le témoignage de la féminisation, tout au long du XXe siècle, d’une profession autrefois réservée aux hommes. 
Coline Zellal, conservatrice du patrimoine au Mucem et responsable du pôle « Corps, apparences et sexualités »
2007.52.1.1
 
Pain de Pâques Fait de farine de blé, eau, levain, sucre. Pétri par les femmes d’une coopérative crêtoise à Héraklion, en 2004. 17,6 X 24,2 cm. 882 grammes.

Pain de Pâques Fait de farine de blé, eau, levain, sucre. Pétri par les femmes d’une coopérative crêtoise à Héraklion, en 2004. 17,6 X 24,2 cm. 882 grammes.


Pain de Pâques

Fait de farine de blé, eau, levain, sucre.
Pétri par les femmes d’une coopérative crêtoise à Héraklion, en 2004.
17,6 X 24,2 cm. 882 grammes.

A chaque fête carillonnée en Grèce correspond un pain spécial. Ce pain de Pâques, formé d’une boule de pâte levée, entourée de quatre branches repliées, comme celles d’une croix est saupoudré de graines de sésame.Une semaine après les catholiques, les chrétiens orthodoxes fêtent Pâques ce dimanche 19 avril 2020...(Lire la suite)
En Grèce, le confinement est décidé depuis le 23 mars, et cette année Pâques sera donc célébrée dans l’intimité. 
Pâques marque la fin de la semaine sainte qui succède aux quarante jours du carême, très observé, même chez les moins pratiquants. En effet, outre la croyance religieuse, le jeûne partiel a des vertus diététiques et économiques. Les plus observant se privent de tout aliment animal, devenant ainsi strictement végétaliens durant la période, que rompent les ripailles de Pâques. C’est la fête religieuse, traditionnelle mais aussi publique la plus attendue, qui offre l’occasion pour les citadins de retourner « au village », et de réunir les familles.

La célébration de la Résurrection du Christ est aussi celle de la nature. Le lilas, qui se dit pascalia en grec, embaume les jardins, dépasse des murets le long des ruelles. Les femmes se réunissent pour tresser des couronnes de fleurs, en remplir des corbeilles qui seront portées en procession. A Pâques (pasca ou anastasis), les voisins s’interpellent joyeusement par la formule et la réponse associée : « Christos anesti ! – Alithos anesti ! » qui se traduit par « Le Christ est ressuscité ! – En vérité il est ressuscité ! ». Cette expression remplace la salutation de bonjour (kaliméra) ou bonne santé (ya sou) durant quarante jours encore, jusqu’à l’Ascension.

Chaque Région a sa tradition de Pâques. A Léonidio, en Arcadie (dans le Péloponnèse), des aérostats sont allumés à la nuit tombée et s’envolent comme des flammes, rappelant les cerfs-volants qui constellent le ciel de tous le pays dès le matin de kathara deutéra, le « lundi pur » qui marque le début du Carême. Ce jour-là est cuit le lagana, un pain simple sans levain en forme de galette. 

Sur l’île de Syros, dans les Cyclades, les chrétiens catholiques et orthodoxes se réunissent pour des célébrations communes, à la même date.

Les préparatifs de Pâques sont si importants dans la culture commune qu’ils représentent un leitmotiv dans la littérature hellénique populaire, naturaliste ou poétique. 
Caroline Chenu, chargée de recherches et de collections au Mucem
2004.148.6
 
 
Cham (dessinateur) ; Lange, Lévy et Cie (imprimeur), La grippe à Paris, – croquis par Cham, Lithographie éditée dans le Charivari du 16 mars, 1851 36.3 x 24,9 cm. N° inv. 1957.172.11, © Mucem

Cham (dessinateur) ; Lange, Lévy et Cie (imprimeur), La grippe à Paris, – croquis par Cham, Lithographie éditée dans le Charivari du 16 mars, 1851 36.3 x 24,9 cm. N° inv. 1957.172.11, © Mucem


La grippe à Paris—croquis par Cham

Cham (dessinateur) ; Lange, Lévy et Cie (imprimeur)
Lithographie éditée dans le Charivari du 16 mars 1851
36.3 x 24,9 cm

Amédée de Noé, dit Cham (1818 – 1879) est, comme Daumier ou Granville, un des caricaturistes majeurs du XIXe siècle. La planche conservée dans les collections du Mucem propose de s’évader par le rire de la triste réalité d’une épidémie. Il s’agit d’un feuillet publié en page 3 de l’édition du 16 mars 1851 du Charivari...(Lire la suite)
Lourdement touché par les lois de censure de 1835, ce quotidien humoristique et satirique aux accents républicains a, dès lors, cultivé la satire de mœurs plutôt que la caricature politique. 

La lithographie, inventée à la fin du XVIIIe siècle, permet au caricaturiste de réaliser neuf saynèttes au trait enlevé, libérées de tout encadrement, et aisément associées à des légendes dialoguées. Chacune croque les effets de la grippe sur les habitants de la capitale.

Parmi elles, la deuxième demande peut-être éclaircissement : la "pâte de Regnauld", réclamée par un patient à un pharmacien, était une pâte pectorale antitussive. Inventée par un pharmacien, Louis-André Regnauld, elle fit la fortune du médecin Louis-Désiré Véron, qui en racheta et en exploita la recette après la mort du premier. Fort de ce succès économique, le Docteur Véron préféra d’autres activités à la médecine et s’illustra comme directeur d’Opéra, comme fondateur de La Revue de Paris, comme directeur du Constitutionnel. Lié à Rachel, célèbre tragédienne du Théâtre-Français, il fit beaucoup parler de lui et fut souvent la cible des caricaturistes, tout comme il inspira à Balzac le personnage de Célestin Crevel. L'opportunisme de Véron, qui profitait indirectement des épidémies de grippe, en exploitant la recette d’un autre, resté dans l’ombre, est ainsi visé par la caricature de Cham. 
Agrandir la planche

Nota Bene : une lettre autographe de Rachel au Docteur Véron, mise en ligne par son propriétaire sur colonnawalewski.ch , tombe elle aussi fort à propos en cette période de confinement.
Hélia Paukner, conservatrice du patrimoine 
 
Sources
—Le Charivari est intégralement disponible sur Gallica
Découvrir 
—Louis Sergent et Maurice Bouvet, « Quelques documents iconographiques sur le docteur Véron: directeur de l'Opéra et spécialiste », Revue d'Histoire de la Pharmacie, 1950, 128 pp. 136-139
—André Lorant, Les Parents pauvres d'Honoré de Balzac, La cousine Bette - Le Cousin Pons : Etude critique et historique, Droz, Genève, 1967
—David Kunzle, Cham: The Best Comic Strips and Graphic Novelettes 1839-1862, University Press of Mississippi, Jackson Mississipi, 2019
Tunisie, 1re moitié du XXe siècle, Cuivre et laiton © Mucem

Tunisie, 1re moitié du XXe siècle, Cuivre et laiton © Mucem

Tunisie, 1re moitié du XXe siècle, Cuivre et laiton © Mucem

Tunisie, 1re moitié du XXe siècle, Cuivre et laiton © Mucem


Ensemble lave-mains

Tunisie, 1ère moitié du XXe siècle
Cuivre et laiton

Alors qu’il est plus indispensable que jamais que nous nous lavions les mains très régulièrement, les collections du Mucem permettent de méditer l’importance de l’hygiène corporelle dans les sociétés humaines. Cette verseuse ibrîq et sa cuvette sont un parfait exemple des ensembles lave-mains très répandus au Maghreb et au Proche-Orient pour les ablutions…(Lire la suite)
Depuis l’Antiquité, les foyers ruraux possédaient l’équivalent en terre cuite tandis que les familles les plus riches disposaient de services en métaux précieux. Il en existe aujourd’hui des modèles produits de façon industrielle en inox ou en plastique.
Le Mucem conserve un bon échantillon de ces ensembles lave-mains en divers matériaux, provenant du Maroc, de Tunisie, d’Égypte, de Syrie, d’Iran, de Turquie, des Balkans et de France…
L’aiguière permet de verser de l’eau sur les mains des convives au-dessus de la cuvette. Le couvercle, percé de trous, permet de recueillir le liquide tout en dissimulant les eaux usées à la vue du convive suivant. Ce couvercle surélevé peut également servir d’égouttoir pour un savon ou pour la verseuse après usage.
Dans de très nombreuses civilisations, les ablutions ou le lavage des mains avant le repas est un rituel codifié auquel on ne saurait se soustraire. Il témoigne certainement de convenances et de préoccupations hygiéniques, notamment dans des sociétés où tous les convives se servent à la main dans un plat commun. Mais surtout, comme souvenir d’une économie de subsistance où la nourriture pouvait venir à manquer, il marque le respect quasi sacré porté au repas, moment d’alimentation et de partage. Des ustensiles d’usage comparable provenant d’autres aires géographiques en Europe, notamment des fontaines de propreté, sont également conservés au Mucem.
Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine au Mucem
2006.17.2.1.1-2
2006.17.2.2.1-2
 
© Collection Mucem

© Collection Mucem


Lime à ongle

Pierre Prévost
1re moitié du XXe siècle
Le Perreux-sur-Marne, France
Ivoire et métal
12,4 x 1,27 cm

Une lame métallique emmanchée pointue et striée de lignes verticales et obliques ? Pas de doute, nous sommes face à une lime. Pas de celles que les Ma Dalton obligeantes glissent dans les pains de leurs fils pour les aider à s’évader de prison...(Lire la suite)
Le manche en ivoire de la pièce atteste en effet d’un usage réservé à la sphère du soin et de l’intime plutôt que du bricolage. Cette lime est en effet destinée à la manucure.
Elle a été réalisée par un artisan tabletier d’Île-de-France avant que la Convention internationale CITES (adoptée en 1973) n’interdise l’importation et l’usage de matières premières provenant d’espèces animales et végétales en voie de disparition, tel l’ivoire. Ce tabletier, spécialisé depuis le milieu du XXe siècle dans la confection de petits ustensiles d’hygiène (cure-ongle, gratte-langue, cure-dents et cure-oreilles) dut donc trouver de nouveaux matériaux pour sa production. Il se tourna vers le plastique. Mais avant que ne disparaisse un savoir-faire lié à un matériau précieux le musée national des Arts et Traditions populaires organisa une enquête-collecte afin de recueillir objets, gestes techniques et témoignages d’artisans travaillant l’ivoire, l’écaille de tortue, le corail et les plumes d’oiseaux exotiques.

Mettez à profit le confinement pour sortir vos limes, cure-ongles et gratte-langue, et prendre soin de vous, afin de préparer une sortie brillante d’ici quelques semaines.
Julia Ferloni, conservatrice du patrimoine au Mucem 

1998.50.16


 
 

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