Livre - Un art moyen

1C SCL 53

Description

Livre

Les Éditions de Minuit

Bourdieu Pierre 1930 - 2002

Boltanskii Luc 1940 - ...

Castel Robert 1933 - 2013

Chamboredon Jean-Claude 1938 - 2020

Vendeuvre Philippe de 1923? - ...

Presentation materielle : 360 p.-[8] p. de pl.

Dimensions : 22 cm

Alors que tout semble promettre la photographie, activité sans traditions et sans exigences, à l’anarchie de l’improvisation individuelle, rien n’est plus réglé et plus conventionnel que la pratique photographique et les photographies d’amateurs. Les normes qui définissent les occasions et les objets de photographie révèlent la fonction sociale de l’acte et de l’image photographique éterniser et solenniser les temps forts de la vie collective. Aussi la photographie, rite du culte domestique, par lequel on fabrique des images privées de la vie privée, est-elle une des rares activités qui puisse encore de nos jours enrichir la culture populaire : une esthétique peut s’y exprimer avec ses principes, ses canons et ses lois qui ne sont pas autre chose que l’expression dans le domaine esthétique d’attitudes éthiques.

INTRODUCTION L’étude de la pratique photographique et de la signification de l’image photographique est une occasion privilégiée de mettre en œuvre une méthode originale tendant à saisir dans une compréhension totale les régularités objectives des conduites et l’expérience vécue de ces conduites. PREMIÈRE PARTIE CHAPITRE PREMIER : CULTE DE L’UNITÉ ET DIFFÉRENCES CULTIVÉES, p. 31 L’explication de la pratique photographique par l’universalité d’un « besoin » de photographies prend l’effet pour la cause. I. – La pratique photographique, indice et instrument d’intégration, p. 38 La pratique photographique est fonction de l’intégration de la famille en même temps qu’elle a une fonction d’intégration au titre de rite de solennisation. II. – Occasions de pratique et pratique d’occasion, p. 54 Déterminée par sa fonction familiale, la pratique photographique est communément associée aux temps forts de la vie familiale et ne saurait, sans contredire sa fonction, s’affranchir des occasions qui la déterminent et se transformer en pratique autonome. III. – Dévots ou déviants, p. 64 La pratique affranchie de la fonction familiale se rencontre chez les sujets les moins intégrés et apparaît souvent comme une forme d’expression de la déviance. Elle se définit le plus souvent par le refus des normes qui déterminent, pour chaque classe sociale, la qualité et l’intensité de la pratique. IV. — Distinctions de classe et classe distinguée, p. 73 À la différence des autres pratiques culturelles, la photographie est dévalorisée par sa divulgation en sorte que les attitudes des différentes classes sociales à l’égard de cette pratique obéissent à la logique du snobisme comme recherche de la différence pour la différence. CHAPITRE II : LA DÉFINITION SOCIALE DE LA PHOTOGRAPHIE, p. 107 I. — Un art qui imite l’art, p. 107 Seul un réalisme naïf fait tenir pour réaliste la représentation photographique du réel ; si celle-ci apparaît comme objective c’est que les règles qui en définissent l’usage social sont conformes à la définition sociale de l’objectivité. II. — « Le goût barbare », p. 113 L’esthétique populaire qui s’exprime dans la production photographique ou à propos des photographies est l’envers d’une esthétique kantienne ; elle subordonne toujours la production et l’utilisation de l’image et l’image elle-même à des fonctions sociales. III. — La hiérarchie des légitimités, p. 134 Nombre d’attitudes que suscite la photographie s’expliquent par le fait qu’elle se situe à mi-chemin entre les pratiques vulgaires et les pratiques nobles. DEUXIÈME PARTIE À côté de la grande masse des utilisateurs de la photographie qui réalisent dans leur conduite la vérité sociale de la photographie sans l’appréhender comme telle, les groupes qui seront étudiés ici ont en commun de rompre avec l’adhésion naïve à la définition sociale de la photographie qui ne se rappelle jamais mieux que lorsque l’on essaie de s’en jouer ou d’en jouer. CHAPITRE PREMIER : AMBITIONS ESTHÉTIQUES ET ASPIRATIONS SOCIALES, p. 144 Si tous les adhérents d’un photo-club ont en commun de vouloir rompre avec les usages courants de la photographie, ils ne donnent pas tous la même justification à leur nouvelle pratique. I. – L’impatience des limites, p. 147 Dans une société dominée par le modèle de l’art traditionnel (et par les groupes qui tendent à en monopoliser l’usage), l’activité des photos-clubs se pense par référence à la peinture. C’est moins pourtant la tentative pour imiter cet art que l’effort pour être digne -d’une certaine image de sa fonction sociale qui inspire la pratique photographique. II. – Les patiences du métier, p. 159 Dans les clubs à recrutement plus populaire, la référence à l’art s’estompe au profit de la justification technique. Bien que la photographie n’y soit pas davantage à elle-même sa propre fin, on peut se demander néanmoins si l’acceptation franche de l’appareil et des manipulations ne réactualise pas une attitude perdue à l’égard de la culture qui faisait sa place aux « arts mécaniques ». CHAPITRE II : LA RHÉTORIQUE DE LA FIGURE, p. 173 Utiliser la photographie pour témoigner des événements réels et les transmettre par la presse parait conforme à la définition sociale de l’activité photographique. I. – Le périodique et l’instantané, p. 175 Les photographes de France-Soir s’efforcent de montrer l’événement en train de s’accomplir et de produire des images « objectives ». Pour les photographes de Paris-Match, la photographie doit être « synthétique » et « symbolique » ; aussi s’accommodent-ils de scènes reconstituées après coup, au lieu de photographies prises sur le vif, et parfois même les recherchent parce qu’il est plus facile d’y faire apparaître des symboles. II. – Allusion et ellipse, p. 183 France-Soir et Paris-Match se différencient d’abord par leur périodicité. La distance temporelle qui sépare chaque journal des événements qu’il rapporte doit être mesurée en valeur relative. Le symbolisme tel que l’utilise Paris-Match est avant tout une ellipse. III. — La parade de l’objectivité, p. 188 Imposée par les nécessités propres à la presse, la photographie composée ne se donne jamais pour la photographie d’une mise en scène. Le flou constitue la qualité dominante de la photographie de quotidien parce qu’il est le garant de son authenticité. CHAPITRE III : TROMPE-L’ŒIL ET FAUX-SEMBLANT, p. 189 Comment retrouver l’unité de signification d’un double objet d’étude, la photographie et le photographe publicitaires ? I. – Un genre de compromis, p. 200 Entre les genres industriel et artistique, la photographie publicitaire éprouve quelque difficulté à trouver sa spécificité. La pratique admet de larges champs de variation, mais reste soumise à la nécessité de faire coïncider dans l’œuvre le réalisme photographique et la suggestion publicitaire. II. – Les doubles jeux, p. 207 La publicité profite du crédit de réalisme dont jouit la photographie pour y glisser une intention qui sera acceptée comme réaliste. Un tel double jeu est typique de toute expression publicitaire, mais le slogan verbal autorise une rhétorique plus libre que la figure qui doit toujours rester représentative. III. – Le message codé, p. 211 La photographie publicitaire fonde son efficacité sur l’offre d’une image accessible à ses spectateurs et socialement « située » plutôt que sur l’imprégnation du subconscient et remplit une fonction éminemment allégorique. CHAPITRE IV : ART MÉCANIQUE, ART SAUVAGE, p. 219 I. — Situation unique et lieux communs, p. 221 L’abondance des théories et des discussions esthétiques révèle à travers la récurrence des problèmes et l’uniformité des réponses la conscience de l’opposition à la définition sociale de la photographie. II. – Une création indécise et une esthétique décisoire, p. 224 Parce que la perception discontinue et sélective des moments de l’acte photographique autorise les ambiguïtés de la création, l’intention artistique, toujours en question, peut s’apparaître comme obéissance aux déterminations imposées par l’automate et fidélité aux œuvres proposées par la nature. Elle s’affirme en décrétant un système rigoureux et arbitraire de normes et d’interdits. III. – Réminiscence esthétique et appartenance sociale, p. 234 Contraints par l’incertitude de l’image photographique de demander à des traditions esthétiques la définition d’une hiérarchie d’objets valorisés, les esthètes se caractérisent d’abord par leur rapport aux groupes qui constituent ces traditions. CHAPITRE V : HOMMES DE MÉTIER OU HOMMES DE QUALITÉ, p. 245 Les photographes insistent sur la faible cohésion de leur profession. On peut en chercher la raison dans l’analyse des attentes qui précèdent l’entrée dans la profession de photographe et de celles qui lui survivent. I. – L’attente de la profession et les attentes des professionnels, p. 247 La diversité des attitudes des photographes à l’égard de leur activité masque en fait la diversité des conditions objectives dans la profession qui tient elle-même à la persistance des différences liées à l’origine sociale. II. – Les bonnes manières, p. 263 Parce que la réussite en photographie est liée à la photographie des objets valorisés et au contact avec des milieux prestigieux, seule la prise en considération des « manières » et de la « classe », héritage social par excellence, permet de saisir les modalités de l’action de l’origine sociale sur les situations professionnelles. CONCLUSION C’est seulement après avoir analysé les usages sociaux de la photographie dans leur diversité que l’on peut poser sans ambiguïté le problème de leurs conditions psychologiques de possibilité. Images et phantasmes, p. 289 I. – Un symbole surinvesti, p. 292 La manière dont la photographie a été acceptée montre qu’elle peut accueillir des significations très différentes sans être un objet neutre. Le droit lui-même témoigne d’un malaise et d’une ambivalence à son égard. II. – Phantasmes latents et images manifestes, p. 307 La photographie parait pouvoir fournir un support à l’activité phantasmatique inconsciente. Mais le symbolisme pathologique et le symbolisme photographique ne sont pas au même niveau. L’image photographique fournit moins une voie d’accès à l’inconscient qu’elle n’est le prétexte à des rationalisations préconscientes. III. – Exorcisme et sublimation, p. 322 La haute structuration de l’objet photographique, sa quasi-saturation consciente, le portent davantage vers les régions sublimées de la rêverie et de l’esthétisme que vers les piétinements de la maladie mentale. Il peut ainsi assumer des fonctions sociales et prêter une symbolique intermédiaire pour la régulation et la discipline de la vie subjective. CHRONOLOGIE DES RECHERCHES UTILISÉES, p. 333 APPENDICE, p. 337 INDEX, p. 357 TABLE DES ILLUSTRATIONS, p. 361

Notes bibliogr. Index