Livre - Au coeur des Alpes

B 4280

Description

Livre

Arthaud

Vernet Jean

Presentation materielle : 212 p

Dans les Alpes-Maritimes, le nom des Vernet est bien connu des grimpeurs, surtout des habitués de la Cougourde. Dans les années 30, Jean Vernet, accompagné de son frère, Georges, et de Jean Charignon, y ont ouvert plusieurs itinéraires : la voie des dièdres, l’épaule de la paroi SW, ou encore la directe à la III. Pour cette dernière, la cordée de 3 a utilisé 2 pitons, lors de son ouverture le 28 octobre 1934 (source J_P Gass). On pourrait aussi évoquer le dièdre Vernet, au Giegn. Incontestablement, Jean et Georges étaient deux alpinistes niçois. Mais ce n’est pas avec leurs ascensions dans le Mercantour qu’ils sont restés dans l’histoire de l’alpinisme. Pas de glacier, ni de pics « prestigieux » de plus de 3 143 mètres dans les Alpes-Maritimes. « Les Alpes Maritimes étaient chaque dimanche l’occasion d’une évasion du même genre quoique plus modeste » écrit Jean à propos d’une course à Ailefroide, le temps d’un week-end. Alors pour assouvir leur passion, les frères Vernet ont pris la route du Pré de Madame Carle, ou de la Bérarde. Direction les Ecrins, où, pendant les années 20 et 30, ils ont réussi plusieurs « premières », aujourd’hui devenues des classiques. De ces heureuses années, Jean Vernet a tiré un récit, « Au cœur des Alpes » qui demeure un classique de la littérature de montagne. Peu réédité, il s’agit d’un livre rare, que l’on parcourt avec une certaine gourmandise et une pointe de jalousie. Les Ecrins dans les années 30, c’est un petit peule bout du monde : un pays pas facile d’accès, peu fréquenté et aux rares équipements touristique. Il y flotte un parfum d’aventure ! Pour Jean, les Ecrins sont « un grand massif de cimes plus jalousement caché aux regards que les autres ». Il fallait aller dans ce massif à cette époque, marcher des heures (ce qui est encore vrai) pour atteindre un refuge perdu et sans vie, puis ouvrir sa voie vers un sommet. C’était avant la seconde guerre mondiale, avant le tourisme de masse et ses stations. Une autre ambiance que Jean arrive à retranscrire dans son livre. Il décrit le petit hameau d’Ailefroide « désert » et son chalet-hôtel « avec les volets clos », ou alors le Pré de Madame Carle « et son vieux refuge ». Mais déjà les premiers signes d’une certaine fréquentation du massif apparaissent. Le hameau de la Bérarde est ainsi décrit : « de disgracieuses maisons neuves, des hôtels, des panneaux publicitaires (…). Et chaque heure de midi de l’été, la route déverse sur ce minuscule jeu de boules qu’est la rue quasi-unique du hameau une foule de touristes ». Donc ne regrettons rien ! Heureusement, il y a la montagne. Et en marchant aux côtés de Jean et Georges, elle prend toute la place. « Au cœur des Alpes » est surtout un livre sur le bonheur d’être en montagne de partir en montagne, plus qu’une compilations de récits de course. L’auteur prend soin de décrire les marches d’approche, l’ambiance au refuge, les anecdotes, comme cette rencontre avec une belette, ou l’inondation du refuge Cézanne, autant de moments qui font la richesse des aventures alpines. Jean décrit ses émotions et arrive à les communiquer en quelques lignes, dans un style simple et direct. A propos de l’ascension de l’arête de Coste Rouge, Jean écrit : « C’est ce souvenir de clair soleil irradiant la roche grise, les neiges et l’espace serein qui s’associe encore pour moi d’une manière inséparable à celui de la seconde partie de notre ascension ». Pour cette même arête, il évoque « de hautes falaises de glace bleue ». L’aspect technique de la course est tout de même évoqué. Sur l’arête de Coste-Rouge, les frères Vernet rencontrent des difficultés : « je n’arrivai pas à découvrir sur ce mur l’idée même d’un passage possible », ou plus loin, « nous nous trouvions dans une situation précaire sur une mauvaise pente verglacée ». Il y est peu question de piton, de manœuvres de corde, ou d’autres histoires de quincaillerie. A l’époque, on grimpait avec peu. Devant l’épreuve, la montagne devient vivante dans « Au cœur des Alpes ». Un vrai personnage : « la nature hostile », des « masses grises », « de puissantes murailles ». Souvent, les récits laissent penser à un combat (inégal) entre l’alpiniste et la montagne. C’est une arête qui « donne du fil à retordre », une pierraille « traîtresse », etc… Mais jamais Jean Vernet ne se sépare de son regard poétique. Après un Week-end au cours duquel il réalise l’ascension du Grand Pic d’Ailefroide, il écrit : « Demain, à Nice, nous regarderons les hommes et les maisons avec des yeux qui ne verront pas parce que cette lumière intérieure, ramenée de si haut et de si loin, brillera toujours en nous… ». Un récit à lire pendant les périodes où l’on est privé de montagne.

Collection "Sempervivum", 13