Livre - Le Barzaz Breiz

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27-Mesnil-sur-l'Estrée : impr. Firmin-Didot

Description

Livre

F. Maspero

La Villemarqué Théodore Hersart 1815 - 1895

Le Quintrec Charles 1926 - 2008

Presentation materielle : 34-LXXXII-539 p.

Dimensions : 19 cm

Le chant populaire : découverte et collectes. En publiant en 1839, sous la forme d'un seul recueil, une œuvre consacrée à la poésie populaire de Bretagne, le Barzaz-Breiz , le jeune Théodore Hersart de La Villemarqué, ne se doutait probablement pas de l'intérêt qu'une telle édition allait susciter. Après le choc de la révélation, vint le temps des controverses passionnées. Au fil des ans, ces querelles semblent s'être estompées, pour ne laisser place qu'à l'essentiel de l'œuvre de ce précurseur. Dès la moitié du XVIIIe siècle, suivant l'exemple de la Grande Bretagne, sous l'impulsion de personnalités comme Macpherson, Walter Scott, ou de la Finlande, avec Elias Lönnrot, va se développer un peu partout en Europe un mouvement d'intérêt pour la poésie et les récits populaires. Le philosophe allemand Herder conscient d'un nouvel enjeu culturel, affirme que la vraie poésie puise dans les fonds populaires et nationaux et considère les chants populaires comme " les archives des peuples ". Emportées par l'élan venue du cosmopolitisme des Lumières, les théories du rousseauiste Herder et des écrivains du Sturm und Drang redonnent une nouvelle splendeur au Volkslied , c'est à dire à la chanson populaire. A son tour, Jean-Jacques Rousseau se met à faire l'éloge de " ces vieilles romances " pour leur caractère antique et doux. Si les lettrés s'intéressent tant à ces chants et récits, c'est qu'ils y voient la possibilité de faire connaître des coutumes anciennes, ainsi que des fonds historiques et légendaires. Le qualificatif de " populaire " fut ainsi très tôt accolé à ces chansons issues de milieux sociaux différents des milieux lettrés. Par contre, chez les collecteurs émergeait la conscience que cette séparation n'avait pas lieu d'être entre ce que chantaient d'une part les nobles et les bourgeois et d'autre part toutes les autres catégories : femmes, enfants, paysans, commerçants, mendiants, colporteurs... Ce mouvement désigné en France sous le nom de " celtomanie ", malgré ses excès et ses hypothèses les plus fantaisistes, porte en germe la renaissance bretonne du XIXe siècle : à côté des recherches systématiques sur les langues celtiques, s'éveille alors un intérêt plus concret pour la Bretagne armoricaine. En effet, l'impérialisme napoléonien a eu pour conséquence de faire resurgir le mythe du vaste empire celtique des origines . Au sein des initiateurs de ce mouvement, des savants et des érudits se réunissent pour la première fois sous la bannière de l'Académie Celtique le 30 mars 1805. Cambry, membre de cette Académie, fut chargé par l'administration du département de dresser un catalogue des objets du Finistère. A cette occasion, il s'intéresse aussi aux chants et aux traditions des habitants. La publication par l'abbé de La Rue d'un ouvrage intitulé : " Recherches sur les ouvrages des bardes de la Bretagne armoricaine ", va inciter alors quelques aristocrates bretons à se lancer dans la collecte de " chants authentiques ". Pour ces collecteurs, ces chants étaient inspirés par des événements passés et transmis oralement de génération en génération. Parmi ces collecteurs, on notera Aymar de Blois, Mme de Saint Prix, Jean-Marie Le Houerou, ou encore Émile Souvestre. Ceux-ci, dès les années 1830, vont vulgariser cette littérature et la faire connaître à un plus large public, au moment même ou les peintres découvrent la Bretagne. La Villemarqué: la révélation d'un patrimoine. C'est dans ce contexte de mutation, que Théodore-Claude-Henry-Hersart de La Villemarqué, va voir le jour, le 7 juillet 1815. Fils de Pierre-Michel-François-Marie-Toussaint-Hersart de La Villemarqué et de Marie-Ursule-Claude-Henriette Feydeau, il passera son enfance entre la petite ville de Quimperlé, lieu de sa naissance et le manoir du Plessix-Nizon. Son parcours scolaire va le conduire dès l'âge de 10 ans au collège des Jésuites de Ste-Anne-d'Auray, puis au séminaire de Guérande, pour passer son baccalauréat à Rennes et s'inscrire ensuite à Paris à l'école des Chartes en 1833. Dès son arrivée à Paris, il fait la connaissance d'un groupe de jeunes Bretons, dont MM. de Courcy, Aurélien de Courson, Auguste Brizeux, le marquis de Ploeuc et Émile Souvestre. C'est à cette époque que va s'affirmer chez lui ce goût pour la littérature, en particulier pour les poèmes gallois et les poésies populaires d'Armorique. L'année 1838 , marquée par un voyage en Angleterre et au pays de Galles en compagnie d'un groupe de Bretons de choix, va être particulièrement décisive pour la suite de sa démarche. Le ministère de l'Instruction Publique le charge d'une mission " pour étudier la langue et la littérature galloises dans ses rapports avec la langue et la littérature bretonnes et pour consulter les manuscrits gallois de la bibliothèque du collège de Jésus à Oxford ". L'eisteddfod d'Abergavenny accueille les Bretons en véritables frères. Le caractère moderne de cette assemblée, la mise en valeur de la poésie et de la musique, la distinction d'ouvrages d'intérêt général pour l'Europe de l'époque, le tout ancré sur d'antiques rites ne laisse pas insensible ce jeune esprit avide de tout ce qui peut valoriser la langue et la civilisation bretonnes. En 1839, six ans après son arrivée à Paris, va paraître la première édition du Barzaz-Breiz, en deux tomes, chez Delloye, place de la Bourse à Paris. Dans l'ouvrage, publié par son fils en 1908 " La Villemarqué, sa vie & ses oeuvres ", il est fait mention d'une édition antérieure en un seul petit volume, sans nom d'auteur, des chants populaires de la Bretagne, qui ne fut tirée qu'à deux cents exemplaires également éditée chez Delloye. L'auteur cachait son nom sous ce titre : Le Barde de Nizon. Outre les correspondances, cette biographie nous dresse une liste des pièces recueillies par Mme de La Villemarqué mère, ainsi que le nom des personnes auprès de qui elle collecta ces chants. Le succès que va connaître l'édition de 1839 sera immédiat. La presse nationale et les journaux étrangers ne tariront pas d'éloges à son sujet. Le Barzaz-Breiz sera alors traduit en plusieurs langues. L'intérêt est tel que dès 1845, la seconde édition sera augmentée de trente trois titres . Avec l'édition définitive de 1867, la critique et les doutes quant à l'authenticité des chants collectés vont apparaître. L'auteur est accusé par ses détracteurs, pour certains, d'avoir commis un faux, pour d'autres, de ne pas maîtriser la langue bretonne. Les travaux réalisés par Donatien Laurent et surtout les carnets retrouvés par celui-ci en 1964, vont réhabiliter La Villemarqué. Ces carnets de collectes contiennent le résultat de recherches effectuées entre 1835 et 1892. Ils montrent clairement que La Villemarqué possédait suffisamment la langue pour être capable d'en noter n'importe quel texte oral dans tout le pays bretonnant. Et de plus, qu'il avait lui-même collecté la majorité des pièces maîtresses des " Chants populaires de la Bretagne ". Néanmoins dans le contexte de l'époque, comme pour la plupart des auteurs de recueils similaires, il juge cette matière trop brute pour être ainsi proposée au lecteur, et il se livre alors à un travail de recomposition, voire de réécriture. D'autre part, soucieux de l'unification linguistique et du devenir de la langue bretonne, il va nourrir les éditions suivantes du fruit des réflexions et des travaux en cours (Le Gonidec, l'abbé Henry...). A titre d'exemple, l'édition de 1839 donnait pour Merlin-Barz : " Da fest ha da rédérez né, A zo laket gad ar roué ". Or, on trouve dès la deuxième édition : Marzin-Barz : " D'ar fest, d'ar rederez neve, A zo laket gand ar roue ", parfois au détriment des archaïsmes, de la phonétique et des formes dialectales. Sa préface du dictionnaire de Le Gonidec de 1847 et son introduction à l'édition des " Kanaouennou Santel " de 1842 nous éclairent sur les orientations qui prévalaient quant au devenir de cette langue. Relatant une correspondance qu'il a eue avec Le Gonidec peu de temps avant son voyage de 1838 au pays de Galles, il cite : " un jour, on sentira l'avantage de pouvoir employer des mots purs bretons en écrivant pour des Bretons, et insensiblement, on en viendra, comme dans ce pays de Galles où vous allez, à répudier du discours tout ce qui sent le jargon, tout ce qui a été emprunté à un idiome étranger ; vous me direz que je vois cette révolution à travers une longue-vue : j'en conviens, et ne m'attends pas à en être témoin ; mais je ne doute pas que vous n'assistiez au changement que je prédis. " Le Gonidec mourut avant le retour de La Villemarqué. L'édition de 1867, et la querelle qui va s'ensuivre, sur fond d'authenticité et de rigueur scientifique, va servir la recherche sur la matière orale de Bretagne et susciter de nouvelles vocations pour plusieurs générations. François-Marie Luzel, Anatole Le Braz, Bourgault-Ducoudray, François Cadic, Loeiz Herrieu, pour la Basse-Bretagne, Adolphe Orain, Paul Sébillot, pour la Haute-Bretagne et plus près de nous, Claudine Mazéas, Donatien Laurent, des associations comme Dastum ou la Bouèze, voire d'autres plus anonymes.

L'introduction est propre à l'éd. de 1981. - Texte breton précédé de la traduction française. - Reproduction : Reprod. en fac-sim. réduit, sauf les p. de musique, de la 6e éd. de Paris, Didier, 1867