• Mohammed Kacimi vers 1993-1994. © Archives Kacimi
    Mohammed Kacimi vers 1993-1994. © Archives Kacimi
  • Sans titre. Collection privée, Casablanca © Collection privée, Casablanca
    Sans titre. Collection privée, Casablanca © Collection privée, Casablanca
  • Mohammed Kacimi Sans titre 1994 © Jean Grelet Le Labo Photo Bordeaux
    Mohammed Kacimi Sans titre 1994 © Jean Grelet Le Labo Photo Bordeaux
  • La Route de l'esclave, Bénin, 1994. © Archives Kacimi
    La Route de l'esclave, Bénin, 1994. © Archives Kacimi
  •  Mohammed Kacimi 2001 Saad Tazi © Saad A Tazi
    Mohammed Kacimi 2001 Saad Tazi © Saad A Tazi

Kacimi

1993-2003, une transition africaine
Mucem, fort Saint-Jean— Bâtiment Georges Henri Rivière (GHR)
| Du vendredi 23 novembre 2018 au dimanche 3 mars 2019

  • À la rencontre de Mohammed Kacimi, l’un des plus importants plasticiens marocains d’après-guerre

Mohammed Kacimi (1942-2003) est l’un des plus importants plasticiens marocains d’après-guerre. Artiste novateur et engagé, instigateur et témoin principal de la mondialisation de l’art contemporain arabe, il a largement influencé l’évolution de la scène artistique de son pays, et servi de modèle à nombre de jeunes artistes maghrébins aujourd’hui internationalement reconnus.

L’exposition se consacre à la « période africaine » de Mohammed Kacimi (1993-2003), soit l’apogée de son œuvre, qui le voit rompre avec l’art occidental et les différents courants esthétiques l’ayant influencé durant son parcours, pour ouvrir une nouvelle voie, beaucoup plus personnelle, caractérisée par une expression sans contrainte, libre, et de plus en plus transdisciplinaire.

En mettant en évidence ce moment majeur, il s’agit de mieux comprendre en quoi l’œuvre de Mohammed Kacimi a pu participer à la construction d’un nouvel imaginaire méditerranéen.

À travers une sélection d’œuvres exemplaires et de documents d’archives significatifs, cette exposition révèle le rôle déterminant joué par ce plasticien, véritable passeur ayant permis aux nouvelles générations d’artistes issus du monde arabe de sauter le pas vers une contemporanéité nouvelle, nourrie par ses propres ancrages culturels : « une transition africaine ».

À l 'occasion de la journée « Mohammed Kacimi, artiste océanique », l’exposition est exceptionnellement ouverte en accès libre samedi 24 novembre 2018.



Commissariat général : Nadine Descendre, historienne et critique d’art
En partenariat avec diptik.

À l 'occasion de la journée « Mohammed Kacimi, artiste océanique », l’exposition est exceptionnellement ouverte en accès libre samedi 24 novembre 2018.

Entretien avec Nadine Descendre, commissaire de l’exposition

 

Mucem (M.)

Qui était Mohammed Kacimi ? Comment résumer son parcours, ses influences, ses engagements ?

 

Nadine Descendre (N. D.)

 

L’homme et l’œuvre sont intimement confondus chez cet artiste à la fois flamboyant et pudique, dont on découvre seulement aujourd’hui, par-delà les frontières du Maroc, le rôle déterminant qui a été le sien.
Complètement autodidacte, mais très tôt interpellé par l’art au cours d’une jeunesse difficile mais riche en expériences affectives, sociales et politiques, il manifeste une curiosité et une acuité intellectuelles que son indépendance, ses voyages et ses rencontres vont très vite affirmer.
De toute évidence, ses premières réalisations plastiques actent d’une maîtrise et d’une originalité exceptionnelles. Ses œuvres sont alors sous influence de l’art occidental, mais elles témoignent déjà d’une facture qui n’appartient qu’à lui seul et à son imaginaire personnel.
Les réseaux sociaux n’existent pas encore, mais le monde est à lui. Il pense universel. Se soucie de l’autre. Il recherche dans l’art une vérité qui lui appartiendrait en propre mais qui pourrait, simultanément, lui permettre de s’emparer du présent et de découvrir et partager des clefs de compréhension de son époque. Pour toutes ces raisons, assoiffé de justice, de paix et de démocratie, il est convaincu qu’en tant qu’artiste, il y a un moyen de créer et de défendre ses engagements eu égard au Maroc et plus largement au monde arabe. Parce que l’art est un agitateur d’idées, il sait que sa vérité est aussi dehors, pas seulement dans la solitude de son atelier. Ainsi, très tôt, il ne se contente plus de voyager. Il partage son art avec d’autres disciplines (la poésie, la danse, le théâtre) ; il réactualise un certain usage des arts traditionnels ; il écrit, et insère aussi textes et signes dans ses tableaux ; il joue des couleurs et des pigments comme d’un sujet à part entière et surtout, il prend le risque des installations in situ et éphémères, il crée des situations inédites en peignant sur scène accompagné par des musiciens et des intellectuels engagés qui lisent leur textes, et ne craint pas d’ouvrir des débats critiques sur des carences culturelles ou des réalités qu’il juge insatisfaisantes…
Il n’hésitera jamais à se réinventer sans cesse, même si certains thèmes récurrents ponctuent son parcours, tels les Marches, les files d’attente de migrants, les pieds, mais aussi les tampons, l’océan, le désert, le corps « irreprésenté » dans la série Traversées, quand il n’est plus que de la pensée… jusqu’à cet autre lui-même, petit personnage anonyme, sans cesse en lévitation, qui dit l’homme, le corps, et devient vite le premier outil de sa réflexion au-delà des images et des histoires. Le conteur fait passer la toile et l’artiste hors même de l’espace sidéral, dans un temps sans présence où il y a peut-être moyen de voir poindre la lueur d’une petite vérité…

 

M.

Pour cette exposition, pourquoi avoir choisi de vous focaliser sur les dernières années de sa vie, sa « période africaine » ?

N. D.

Parce que c’est une période majeure ! Kacimi est avec le temps de plus en plus heurté par ce qu’il découvre, par ce que le monde lui semble devenir. Il agit en tant qu’artiste, en quelque sorte par refus. Il se prête à une vie dont il sait qu’elle va lui échapper à brève échéance. Il y a urgence.
Avec la Grotte des temps futurs, il se donne pleinement l’occasion de mettre en place la nouvelle forme de son œuvre et d’exprimer « le monde qu’il a en tête », son humanité et ses angoisses. Sa maturité artistique s’épanouit totalement au moment où elle s’accorde avec la prise de conscience de son africanité. En 1994, il est hébergé dans un immense atelier de l’Hôpital éphémère à Paris : rencontres exceptionnelles et confrontations s’y multiplient (en particulier avec Pierre Gaudibert, puis avec les acteurs de Revue Noire et Simon Njami en 1997 avec l’exposition Suites Africaines) et sa peinture s’en ressent. Ses sujets de réflexion et son univers ne se focalisent plus, définitivement, que sur la part de son africanité telle qu’elle lui parle et telle qu’il veut l’égrener à travers le monde, telle qu’elle constitue enfin selon lui une histoire spirituelle du monde et de l’homme. Son autre lui-même est ce conteur, sorte de griot universel, qu’il fait sien et dont il a découvert les pouvoirs de transmettre, de raconter le monde, de faire agir et d’empêcher…

En 1997, Kacimi écrit le texte suivant qui mérite d’être communiqué :

« L’artiste africain n’est pas seulement le représentant, le transmetteur de l’exotisme et des rites ancestraux qui alimentent les imaginaires en perte de sens. Le créateur en Afrique est le passeur de sa propre histoire avec tout ce qu’elle a de complexe, d’ascendant, de rituel, d’éclatant. Face à des mutations, des répressions locales et internationales, des misères et des aberrations politiques. Face à la tyrannie de toute forme y compris celle de sa propre tradition. L’artiste africain contemporain est l’archéologue de la succession du temps, des strates, des signes et de la matière depuis le temps de la Belle Lucie (et de la découverte des origines) à nos jours. Un état d’être en prise directe avec les événements.
L’Afrique n’est pas seulement un lieu géographique producteur de signes, de rites et de safaris comme elle l’est souvent dans l’imaginaire occidental, mais aussi celle de la mort, du déboisement culturel, de la désertification, et de manipulations de toutes sortes » (Paris, mars 1997)

M.

En quoi Mohammed Kacimi fut-il un passeur pour les nouvelles générations d’artistes du continent africain ?

N. D.

 

Le désastre du monde se joue sous ses yeux lucides. Il le voit comme une fuite en avant irréversible, face à ce que les hommes ont mis en route et qu’ils ne savent plus enrayer (environnement, pétrole, nucléaire, dérives scientifiques, médias aliénés). Il sait que la révolte est le ferment de la guerre et il ne veut pas de cette solution, qui n’en est pas une et subordonne le plus fort à la maîtrise de l’autre et encourage le culte de la domination.
Il est donc très tôt en quête d’expériences artistiques qui vont le mener vers d’autres solutions que celles proposées par la seule peinture. Il la juge devenue trop peu active, trop égocentrique, trop peu en prise avec son époque. Ce qu’il vise, animé par tout ce qu’il a vu de plus engagé sur le terrain un peu partout en Europe depuis les années 1970, c’est le croisement des disciplines : entrechoquer les genres, se désengager d’un marché de l’art (qui ne suit pas), s’emparer de nouveaux territoires. Et c’est ainsi que se sont forgées des mentalités nouvelles chez les jeunes artistes maghrébins qui, ici et ailleurs, chez eux et à travers leur présence diasporique, ont fait tout naturellement se coïncider des outils, des attitudes, une autre manière de créer, que l’on qualifierait aujourd’hui de « proactive », ce néologisme qui décrit la prise en main par chacun de la responsabilité de sa vie ! Les jeunes artistes du continent africain ont en effet pu trouver à travers un artiste comme Kacimi (puis d’autres, mais beaucoup plus récemment) une ouverture qui leur a rendu possibles de nouveaux champs d’expression, et les a effectivement propulsés sur la scène internationale. Par-delà la peinture ou la sculpture, dire, s’exprimer et se réinventer chaque jour artistiquement… Tout est possible aujourd’hui au Maroc… mais cela ne date pas de si longtemps.

Publications

Hors série Diptyk Kacimi, MucemHors-série magazine DIPTYK

Publié au Maroc depuis 2009, référence de l’art contemporain arabe et africain en langue française, le magazine bimestriel DIPTYK édite un hors-série consacré à Mohammed Kacimi.
Tiré à 1000 exemplaires, ce hors-série d’une soixantaine de pages fait intervenir les meilleurs spécialistes de l’artiste pour donner un nouvel éclairage sur son oeuvre qui marque la modernité marocaine en peinture.
Diffusion au Mucem (librairies J4) ainsi que dans les librairies spécialisées au Maroc (Les Insolites, Tanger, Musée Mohammed VI, Rabat) et en France
(Artcurial, IMA, Institut des cultures d’Islam).

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Hors série Diptyk Kacimi, MucemLivre
Mohammed Kacimi
Sous la direction de : Nadine Descendre
Édition : Skira
208 pages, 39 €
Parution : novembre—décembre 2018

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Audios / vidéos

  • Bande-annonce—Exposition du 23 novembre 2018 au dimanche 3 mars 2019


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