• René Perrot. La Nature mesurant le temps. Tissage Atelier Camille Legoueix, Aubusson, années 1970 ? Coton (chaîne), laine (trame). Collection particulière © Adagp, Paris, 2023 ; photo : Nicolas Roger
    René Perrot. La Nature mesurant le temps. Tissage Atelier Camille Legoueix, Aubusson, années 1970 ? Coton (chaîne), laine (trame). Collection particulière © Adagp, Paris, 2023 ; photo : Nicolas Roger
  • René Perrot. Gemmes (maquette de tapisserie). 1972. Gouache sur papier. Collection particulière © Adagp, Paris, 2023 ; photo : Nicolas Roger
    René Perrot. Gemmes (maquette de tapisserie). 1972. Gouache sur papier. Collection particulière © Adagp, Paris, 2023 ; photo : Nicolas Roger
  • René Perrot, La Chant (Auvergne), 1944. Dessin. Mucem © ADAGP, Paris 2022 ; photo : © RMN-Grand Palais (Mucem) / Franck Raux
    René Perrot, La Chant (Auvergne), 1944. Dessin. Mucem © ADAGP, Paris 2022 ; photo : © RMN-Grand Palais (Mucem) / Franck Raux

René Perrot

Mon pauvre cœur est un hibou
Mucem, fort Saint-Jean— Bâtiment Georges Henri Rivière (GHR)
| Du vendredi 24 novembre 2023 au dimanche 10 mars 2024

  • Cette exposition propose de redécouvrir l’étendue, la richesse et la sensibilité du travail de René Perrot (1912—1979). Profondément pacifiste, sa production est marquée par l’histoire de son temps et ses bouleversements.

René Perrot (1912-1979) fut un artiste prolifique, expérimentant sans cesse de nouveaux styles et de nouvelles techniques. Il est particulièrement connu pour ses tapisseries, destinées à orner bâtiments officiels, ministères ou ambassades à travers le monde. Cette exposition propose de redécouvrir la richesse et la sensibilité de son travail à travers près de 200 dessins, peintures, tapisseries et objets issus des collections du Mucem, du Mobilier national mais aussi de collections privées. Profondément pacifiste, la production de René Perrot est marquée par l’histoire de son temps et ses bouleversements, la Seconde Guerre mondiale constituant un tournant dans son parcours.

Fils d’instituteurs et petit-fils d’agriculteurs, René Perrot a étudié à l’École nationale des arts décoratifs avant de travailler comme affichiste jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Antimilitariste convaincu, il dénonce l’absurdité de la guerre à laquelle il participe dans des gravures. Après la défaite française face à l’Allemagne, il enquête pour le musée des Arts et Traditions populaires, portant un regard artistique sur les campagnes françaises. Comme ce fut le cas pour un certain nombre d’architectes, de décorateurs et d’artistes, la protection du musée lui évite d’être trop inquiété en raison de ses positions politiques dans ce contexte troublé. C’est dans son village natal de Cuse (Doubs) et ses environs qu’il commence son enquête en 1942 et 1943 ; il la poursuit dans le Cantal en 1944, puis dans les Pyrénées-Orientales en 1945.

Il réalise ainsi de très nombreuses peintures et gravures dont près de quatre-cents sont conservées au Mucem. Ces œuvres documentent des thématiques variées, de l’architecture au paysage, de l’artisanat à l’agriculture, et des réalités de la vie quotidienne au spectacle des fêtes. Ce travail dresse un portrait interrogatif et songeur d’une France en pleine transformation : il en ressort une image à la fois précise et idéalisée, à la fois quasi-scientifique et quasi-utopique, de la France rurale.

Après cette expérience sur le terrain, René Perrot consacre l’essentiel de son travail à la tapisserie et à l’enseignement. Il est profondément attaché à la nature et aux animaux qui finissent par remplacer presque complètement, dans sa production artistique, les humains qui l’ont peut-être déçu. C’est dans la faune, la flore, les fonds marins et les minéraux qu’il trouve son inspiration : leurs formes et leurs couleurs éclatantes nourrissent l’univers poétique de ses œuvres. Dès 1945, il contribue à la relance des ateliers creusois de basse-lice, auxquels il restera fidèle. Il réalise plus de quatre cents cartons de tapisseries à partir desquels sont exécutées des tapisseries par les Manufactures de Felletin, d’Aubusson ou des Gobelins, participant aux côtés de son aîné Jean Lurçat au renouveau de cet art mural. 

Commissariat :
Alice Bernadac, conservatrice de la Cité internationale de la Tapisserie, Aubusson
Raphaël Bories, conservateur du patrimoine, responsable du pôle Croyances et religions, Mucem
Marie-Charlotte Calafat, conservatrice du patrimoine, responsable du département des collections et des ressources documentaires, Mucem
Scénographie : Yves Morel
Graphisme : Fabien Hahusseau
Co-production : Cité internationale de la Tapisserie, Aubusson

Entretien avec Alice Bernadac, Raphaël Bories et Marie-Charlotte Calafat, commissaires de l’exposition 

 

Mucem

Pourquoi le Mucem a-t-il choisi de mettre à l’honneur l’œuvre de René Perrot ? 

Marie-Charlotte Calafat.

D’abord parce que plusieurs centaines de ses œuvres sont conservées dans nos collections. René Perrot a en effet travaillé pendant la Seconde Guerre mondiale pour le musée national des Arts et Traditions populaires, l’ancêtre du Mucem. Il faisait partie d’un grand projet de documentation du monde rural traditionnel, alors en train de changer profondément, voire de disparaître. De jeunes architectes, ethnologues, designers et artistes comme Perrot ont donc été envoyés comme enquêteurs dans les campagnes françaises pour y photographier, dessiner et comprendre l’architecture, l’artisanat et les modes de vie traditionnels. 

Raphaël Bories.

Pendant trois ans, Perrot dépeint donc inlassablement les vignerons du Jura, les ravaudeuses de filet de Collioure, les maisons aux toits de lauze d’Auvergne, pour ne citer que quelques exemples, dans un style sans cesse renouvelé, où ressortent sa maîtrise de la couleur et sa sensibilité pour les gestes et attitudes des personnages. La redécouverte de l’œuvre de Perrot dans nos collections nous a ensuite menés à son travail pour la tapisserie, où nous avons pu suivre le fil de sa carrière en partenariat avec la Cité internationale de la tapisserie à Aubusson.

 

M.

Pourquoi l’exposition est-elle sous-titrée « Mon pauvre cœur est un hibou » ?

Alice Bernadac.  

« Mon pauvre cœur est un hibou » est au départ un vers de Guillaume Apollinaire, que René Perrot a intégré dans l’une de ses tapisseries présentée dans l’exposition. Ce choix n’est pas un hasard : toute sa vie, l’artiste a eu une passion pour la nature, et en particulier pour les rapaces nocturnes, pour lesquels il éprouvait d’autant plus de tendresse qu’ils étaient habituellement mal-aimés. Il recueillit ainsi dans son atelier une petite chouette chevêche blessée, qu’il nomma Grisette et qui partagea son quotidien. Son amour de la nature est au cœur de son œuvre tissé, véritable symphonie colorée en l’honneur des arbres et des fleurs, du ciel et de la terre, des papillons et des oiseaux, et en particulier des chouettes et des hiboux. 

 

M.

René Perrot fut à la fois artiste et ethnographe : comment ces deux aspects se croisent-ils dans son œuvre et dans l’exposition ? 

M.C.C.

René Perrot était avant tout un artiste, dont le chemin a pendant quelques années croisé celui de l’ethnographie à travers son travail dans les campagnes françaises. En plus de ses dessins et peintures, il écrit, produisant un lexique traduisant des mots du patois de son village natal, ainsi qu’une minutieuse description de la production du comté dans le Haut-Doubs. Il collecte aussi des objets sur le terrain, comme les extraordinaires outils de Xavier Parguey, dont il remarque la force plastique avec son œil d’artiste.

R.B.

Mais cette rencontre avec l’ethnographie se révèle aussi particulièrement fructueuse d’un point de vue artistique puisque son œuvre se nourrit de cette approche ethnographique : il s’intéresse de manière précise aux objets et à la manière dont ils sont utilisés, aux gestes et aux travaux des champs, aux fêtes religieuses comme aux fêtes profanes… Les expérimentations formelles ainsi que les motifs qu’il découvre pendant la guerre nourriront le reste de son œuvre, lorsqu’il décidera de se consacrer essentiellement à la tapisserie.

 

  Propos recueillis par Sandro Piscopo-Reguieg (septembre 2023)

 

 


Éditions


Couverture catalogue exposition "René Perrot"

Catalogue d'exposition

L’ouvrage rassemble une grande partie des œuvres exposées au Mucem et à Aubusson. Son élégante jaquette reproduit une de ses peintures et s’orne d’une étiquette en fil tissé, pour annoncer la double carrière de René Perrot, dessinateur, peintre et illustrateur mais aussi auteur de tapisseries. En plus des contributions éclairantes des commissaires sur les différentes étapes du parcours et du travail de cet artiste prolifique et attachant, dont le hibou était l’animal « totem », Laurence Bertrand-Dorléac signe un grand essai sur la création en temps de guerre. Un texte de Marie-Hélène Massé-Bersani évoque le Mobilier national et les commandes publiques à cette époque où, avec Jean Lurçat, entre autres, on voit renaître l’épanouissement de la tapisserie… 
Direction d’ouvrage : Alice Bernadac, Raphaël Bories et Marie-Charlotte Calafat
Avec les contributions de :
Alice Bernadac, Laurence Bertrand-Dorléac, Raphaël Bories, Marie-Charlotte Calafat et Marie-Hélène Massé-Bersani
 
Co-édition Mucem/Liénart
176 pages / env. 120 illustrations, Français
ISBN 978-2-35906-406-3
32 euros
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