Livre - La petite mer des oubliés

779 POU

Description

Livre

l'œil anthropologique

Pourcel Franck 1965 - ...

L'œil anthropologique

Presentation materielle : 35 p.

Dimensions : 22 cm

Dans l'esprit des gens de passage depuis l'autoroute ou sur les routes et voies de chemin de fer qui jalonnent l'étang de Berre, mais aussi à l'atterrissage à Marignane ou depuis les villes extérieures, l'homme n'existe plus sur ce territoire. Il n'est plus à sa place, il a été oublié. On ne se baigne plus, le chasser prend son gibier au supermarché, les cabanons sont en ruine et ont laissé place aux puissances cuves de pétrole, le pêcheur n'est plus dans sa barque… L'homme a été englouti par ces kilomètres de tuyaux métalliques. Les machines technologiques et industrielles, le ballet incessant des avions, ont supplanté la présence humaine. Tous les signes de catastrophe accentuent ces absences. Le vide est partout. Le déséquilibre du milieu est flagrant qui donne ce fort sentiment de désorientation et cette vision de cohabitations incohérentes : salins, cultures maraîchères, centres commerciaux, plages, criques, industries… L'étang rencontre une poétique bien différente de celle d'antan, peinte par Ziem, narrée par Pelletan. Pourtant, ces hommes et ces femmes vivent encore sur l'étang, et les histoires voguent encore. Ainsi, on ne s'étonne pas de croiser sur les marchés ces "hommes de l'autre époque", aux épaules larges, aux mains lourdes et lacérées par les filets, ni d'apercevoir, perdu dans une immensité industrielle, un nuage d'oiseaux accompagnant les derniers "bateaux ivres" dont l'ivresse est justement de se trouver sur cette "petite mer" pour "fuir" le temps et l'espace surchargés d'une époque moderne. On ne s'étonne pas non plus d'apercevoir des dizaines de voiles de kitesurf ou de planches à voile balayant la plage du Jaï entre Marignane et La Mède, ni d'entendre les vrombissements des moteurs des surpuissants offshores dans le port de Saint-Chamas. La vie est partout, au pied de la ville nouvelle de Vitrolles, au pied des raffineries de Total, de BP ou de Shell, le long du canal du Rouve ou du chenal de Caronte...avec des différences notoires de la rive est à la rive ouest. On pourrait penser que l'homme n'est plus à sa place ici, et pourtant tous les univers se côtoient dans une opposition volontaire qui semblerait oppressante à tout individu extérieur à ce monde. Il est fascinant d'observer la capacité de l'homme à faire abstraction de ce milieu industriel à haut risque. Le lieu garde sa poétique et son enthousiasme.