CD (compact disque) - Appel au mégaphone d'un vendeur ambulant de fruits et légumes

MUS2008.17.8

Description

Fonds sonores

Féraud Olivier

Italie

Naples

29/04/2008

Disque

Durée de la séquence : 3'08 cette séquence rend compte du passage d'un fruttivendolo (vendeur de fruits et légumes) ambulant lors d'un de ses arrêts dans la rue corso Santa Lucia al Monte, dans les hauteurs des Quartiers Espagnols. Cette séquence présente trois intérêts majeurs. Le premier est que la prise de son correspond à ce que Michel Chion appelle un "point d'écoute", c'est-à-dire un positionnement spécifique dans l'espace permettant une perception particulière d'un fait sonore dans l'environnement sonore. Ici, le point d'écoute peut être considéré comme émique: la prise de son a été réalisée depuis une terrasse surplombant la rue, et représente ainsi la manière dont est perçu l'appel du marchand par les femmes qui attendent son passage. Cela permet de pouvoir se faire une idée de la réception effective de l'appel de ce marchand depuis les hauteurs des habitations. En effet, la plupart du temps, les commissions se font, auprès des marchands ambulants, directement d'un point de contacte entre le foyer et le milieu extérieur: la fenêtre, le balcon ou la terrasse. Cela nous apprend par exemple que malgré la distance, l'appel, lancé ici pendant l'arrêt du véhicule au moyen d'un mégaphone, est suffisamment puissant pour être entendu sans difficulté, aidé de surcroît par l'acoustique particulière du lieu, conditionnée par l'étroitesse et la profondeur des rues, dont on peut entendre la réverbération. Un deuxième point d'intérêt de cette séquence est la continuation du cri avec puis sans mégaphone. Dans un premier temps, on peut entendre une femme demander " mi dai 'e spinac' ? " (tu me donnes les épinards?) puis le marchand répondre avec le mégaphone " si, si! " (oui, oui! ). Le cri, en napolitain, est lancé de manière identique avec et sans mégaphone: on peut entendre avec mégaphone : " 'e banan' ! 'e scarol' ! e' bell' aranc' ! " ( les bananes ! les scaroles! Les belles oranges! ) ou " quatro kili di banan' due eur' ! " ( quatre kilos de banane deux euros ! ), puis un peu plus tard, une fois descendu du triporteur pour servir sa cliente, un cri lancé à voix nue sur le même schéma prosodique. Ceci est d'autant plus intéressant que la plupart des marchands ambulants utilisant le microphone ne crient pas en dehors du véhicule en marche. Celui-ci, ayant pris l'habitude de crier à l'arrêt, pratique le cri autant avec que sans mégaphone. Il conserve alors la même dynamique dans ses appels lancés au mégaphone que s'il les criait sans amplification, au contraire des autres qui poussent les harangues au microphone dans une prosodie bien plus plate et linéaire, car réalisée sans l'effort de la voix nue, ce qui produit des appels ne correspondant pas à une voix criée. Le troisième point d'intérêt est celui de la caractéristique des cris lancés au mégaphone. Il est souvent remarqué par les habitants que le mégaphone, poussé à plein volume, produit une sonorité tellement saturée que le contenu linguistique du message en demeure inintelligible. Il est dit alors que ce serait simplement le son caractéristique du mégaphone ainsi que la seule intonation qui servirait de signalement aux femmes pour être averties du passage du marchand ambulant. Ceci est vrai dans la plupart des cas, mais l'on pourrait se demander s'il n'existe pas une certaine accoutumance à cette qualité sonore, puisque lorsque la femme demande des épinards au marchand avant la première occurrence d'une voix nue, c'est-à-dire sans mégaphone, tout porte à croire que c'est grâce à la harangue amplifiée qu'elle a été informée de la présence d'épinards sur l'étalage. Il est tout de même à remarquer qu'une fois un peu familiarisé avec la langue napolitaine il est possible de saisir une grande part de ces messages criés au mégaphone, du fait que ce marchand apporte un certain soin à l'énonciation de ces appels; il est probable que cela soit dû à sa pratique du cri à voix nue qui porte à accentuer une prosodie clairement dessinée et à mettre en valeur les sons vocaliques. Enfin, ce marchand pratiquant le cri en stationnement, ce qui n'est pas inhabituel, réussit également à crier à voix nue, pendant la vente. On peut en effet entendre, lors du cri à voix nue, des bribes de conversation entre le marchand et la femme qui poursuit sa commande, ainsi que le bruit métallique de la petite balance "à la romaine" lors de la pesée.