Livre - 135 - Hannah Arendt

PC 18

Description

Livre

Leibovici Martine

Mréjen Aurore 1976 - ...

Longtemps tenue à l’écart du monde académique, l’œuvre de Hannah Arendt – désormais largement publiée et traduite – suscite aujourd’hui l’intérêt d’un nombre considérable de travaux, colloques et publications dans le monde entier. En revenant sur les principaux évènements de sa vie, ce Cahier dresse le portrait de cette « théoricienne de la politique » sans pour autant négliger les vives polémiques qui ont marqué sa carrière. Le volume rassemble des contributions qui évoquent notamment son travail majeur sur le totalitarisme, les catégories de sa pensée politique et la centralité de l’action, son insistance sur la responsabilité et le jugement ainsi que son analyse du monde moderne. Il revient sur son expérience historique et personnelle, les moments forts de sa vie et la réflexion qu’ils ont suscités en elle, en particulier sa judéité. Des extraits de correspondance (avec Judah Magnes, David Riesman, Hermann Broch, Hilde Frankel, Kurt et Helen Wolff) dévoilent par ailleurs des facettes moins connues de sa personnalité et de nombreux inédits, extraits de cours ou de conférences issus des archives de la bibliothèque du Congrès à Washington, viennent compléter l’ensemble. L’anthropologie ne peut s’accomplir comme science qu’à condition de prendre aussi pour objet les actes et les instruments de la pratique scientifique et, plus précisément, le rapport que le chercheur entretient avec son objet. Ainsi, ce que nous appelons pensée « primitive », « prélogique » ou « sauvage », n’est autre chose que la logique pratique, à la fois commode et tournée vers l’action, à laquelle nous avons recours chaque jour, dans nos actions et nos jugements sur les autres ou sur le monde : nous n’agissons pas autrement, lorsque nous classons des hommes politiques ou des peintres, que les « primitifs » lorsque, pour mettre de l’ordre dans leur monde, ils mettent en œuvre des principes classificatoires comme masculin et féminin, sec et humide, haut et bas ou est et ouest. De même, nous supportons avec impatience les analyses des sociologues lorsqu’ils décrivent nos conduites dans le langage de la règle ou du rituel. Pourtant, nous ne voyons rien à redire lorsque les ethnologues emploient ce langage pour parler des peuples dits primitifs : et cela, tout particulièrement, lorsqu’il s’agit de mariage ou de magie. Pourquoi sommes-nous spontanément objectivistes lorsqu’il s’agit des autres ? Le mouvement qui conduit de la règle à la stratégie est le même qui mène de la pensée « prélogique » ou « sauvage » au corps géomètre, « corps conducteur » tout entier traversé par la nécessité du monde social. La pratique rituelle, comme la plupart des pratiques, est une gymnastique symbolique, dans laquelle le corps pense pour nous. Une véritable compréhension des pratiques suppose un double mouvement, qui conduit au-delà de l’objectivisme, moment inévitable (symbolisé en ethnologie par l’œuvre de Lévi-Strauss), et du subjectivisme (représenté sous une forme limite par la phénoménologie sartrienne) : il s’agit d’objectiver les structures objectives (par exemple, les régularités statistiques des pratiques) ou incorporées (par exemple, les catégories sociales de perception), ce qui suppose une mise à distance fondée sur l’emploi de techniques d’objectivation ; mais il s’agit aussi d’objectiver l’objectivation, c’est-à-dire les opérations qui rendent possible l’accès à cette « vérité objective » et le point de vue à partir duquel elles s’opèrent, afin de surmonter la distance inhérente à l’objectivation. Et de découvrir ainsi qu’il y a une objectivité du subjectif, que la représentation que les acteurs se font de leur pratique et que le chercheur, armé de ses instruments d’objectivation, doit mettre en question pour saisir les structures objectives, fait encore partie de l’objectivité. Les illusions collectives ne sont pas illusoires et les mécanismes les plus fondamentaux, tels ceux de l’économie, ne pourraient fonctionner sans le secours de la croyance qui est au principe de l’adhésion accordée aux jeux sociaux et à leurs enjeux.

SOMMAIRE, p. 5 LEIBOVICI Martine et MRÉJEN Aurore, Avant-propos, p. 9 I – OUVERTURE COURTINE-DENAMY Sylvie, La jeune fille venue d’ailleurs, p. 15 TROTTA Margarethe von, Faire un film sur Hannah Arendt, p. 20 ARENDT Hannah, Lettres à Hilde Fränkel (3 et 14 décembre 1949, 8 janvier 1950) – Inédit en français, p. 25 HAHN Barbara, « Le plus important, c’est la fidélité à l’ami », p. 30 ZERTAL Idith, Le personnel est-il politique ? Sur l’amour et l’amitié en de sombres temps, p. 35 ARENDT Hannah, Lettre à Helen Wolff (21 mai 1974) – Inédit en français, p. 41 II – LE TOTALITARISME BERKOWITZ Roger, La désolation totale : Hannah Arendt et les fondements du totalitarisme, p. 45 ARENDT Hannah et RIESMAN David, Correspondance – Inédit, p. 51 SIRCZUK HILB Claudia et Matías, Deux plus deux = ? Arendt, Lefort et l’absence du penser dans le totalitarisme, p. 63 ARENDT Hannah, Lettre à Helen Wolff (25 janvier 1971) – Inédit en français, p. 69 NOLTING Annette et ARENDT Hannah, Correspondance – Inédit, p. 70 LEFEBVE Vincent, Les droits de l’homme à l’épreuve des totalitarismes, p. 74 III – LE DROIT D’AVOIR DES DROITS ARENDT Hannah et ADLER-RUDEL Salomon, Correspondance – Inédit en français, p. 83 BENHABIB Seyla, Actualité du « droit d’avoir des droits », p. 88 LOCHAK Danièle, Migrants et réfugiés, hier et aujourd’hui, p. 94 BROCH Hermann, Lettres à Hannah Arendt (19 septembre 1946, 28 juin 1949) – Inédit en français, p. 100 IV – POLITIQUE JUIVE ARENDT Hannah, Histoire juive – la mort de l’histoire allemande – Inédit, p. 105 , p. 108 KOYRÉ Alexandre, Lettre (13 août 1951) – Inédit ARON Raymond, Lettre (6 novembre 1971) – Inédit, p. 110 ABENSOUR Miguel, Hannah Arendt et le sionisme en question, p. 112 ARENDT Hannah, Protocoles du Jungjüdische Gruppe – Inédit, p. 116 LEIBOVICI Martine, La « question judéo-arabe » ou les intrications d’une relation conflictuelle, p. 121 MAGNES Judah Leon et ARENDT Hannah, Correspondance – Inédit, p. 127 ARENDT Hannah, Plan pour une confédération palestinienne – Inédit, p. 136 ARENDT Hannah et un collectif de signataires, Appel pour la paix au Proche-Orient, p. 139 V – LES CATÉGORIES DE LA PENSÉE POLITIQUE ARENDT Hannah, Lettre à Kurt Wolff (25 décembre 1959) – Inédit en français, p. 143 LEGROS Robert, Le proprement humain selon Hannah Arendt, p. 145 GENEL Katia, L’espace politique comme espace sensible : sur la tension entre activité et passivité, p. 151 ARENDT Hannah, La révision de la tradition par Montesquieu, p. 157 LE NY Marc, Le temps révolutionnaire, p. 161 TASSIN Étienne, Le peuple ne veut pas, p. 167 VI – LIBERTÉ ET MODERNITÉ ARENDT Hannah, La cybernétique – Inédit, p. 177 ROVIELLO Anne-Marie, L’homme moderne entre le solipsisme et le point d’Archimède, p. 180 ARENDT Hannah, Le délitement de l’autorité – Inédit, p. 187 GRUNENBERG Antonia, La perte du commencement : les États-Unis vus par Hannah Arendt, p. 190 ARENDT Hannah, Lettre à Hermann Broch (16 octobre 1947) – Inédit en français, p. 195 BOLTANSKI Luc, Tout est-il politique ?, p. 196 VII – RESPONSABILITÉ ET PENSÉE HERTZBERG Arthur, Des explications fallacieuses au meurtre des Juifs – Inédit en français, p. 205 HERTZBERG Arthur et ARENDT Hannah, Lettres (31 mars 1966, 8 avril 1966) – Inédit, p. 208 MUHLMANN Géraldine, Le cas Eichmann et « l’absence de pensée », p. 209 BEN-NAFTALI Michal, Un homme sans histoire : le, p. 215 Rapport d’Arendt sur le langage d’Eichmann MRÉJEN Aurore, La personne morale comme aspect essentiel de l’humanité de l’homme, p. 221 ARENDT Hannah, Les intellectuels et la responsabilité – Inédit, p. 227 VIII – PAYSAGES PHILOSOPHIQUES ARENDT Hannah, La quête spirituelle de l’homme moderne : la réponse des existentialistes – Inédit, p. 231 BENSUSSAN Gérard, Hannah Arendt et la tradition de la philosophie, p. 234 ARENDT Hannah, De Hegel à Marx – Inédit en français, p. 241 LEIBOVICI Martine, Arendt et Heidegger, une liaison dangereuse ? Petit historique d’une polémique, p. 246 VEGA Facundo, Les pièges à renard : Heidegger, Arendt et l’an-archie des commencements politiques, p. 251 ARENDT Hannah, La philosophie politique de Kant – Inédit, p. 258 ARENDT Hannah, Adresse au Conseil consultatif de Princeton – Inédit, p. 266 IX – AMOR MUNDI : LES MOTS DU POÈTE ARENDT Hannah, Introduction à la politique – Inédit, p. 271 CHALIER Catherine, Quelque chose à dire en faveur du donné, p. 277 ARENDT Hannah, La pensée et l’action – Inédit, p. 283 LISKA Vivian, La brèche entre Hannah Arendt et Franz Kafka, p. 286 MANN Thomas, Lettre (10 juin 1944), p. 292 BROCH Hermann, Lettre (14 décembre 1947) – Inédit en français, p. 293 KOHN Jerome, Les manifestations de l’étrangéité, p. 296 PACHET Pierre, L’autorité des poètes dans un monde sans autorité, p. 303 CONTRIBUTEUR, p. 308 CRÉDITS ET RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES, p. 312