affiche - Les Utérus de mon père, 4

Cette oeuvre graphique se fonde sur une affiche d'époque coloniale numérisée et légèrement recadrée (la mention de l'imprimerie Havas, en bas à droite, n'y paraît plus). Elle représente le chargement de produits agricoles sur un navire amarré dans un port marocain en vue de leur exportation. La monumentalité du cargo, en grande partie hors-champ, et le graphisme épuré de l'affiche suggèrent la modernité. Au premier plan, l'amoncellement des cagettes de melons suggèrent l'abondance. Le logo de l'Office chérifien de contrôle et d'exportation, un cartouche où les caractères OCE MAROC et une étoile se détachent devant un paysage de l'Atlas devant lequel apparaît un minaret, est visible sur chacune d'elle. C'est aussi ce logo, étiré et agrandi, qui fait office de passerelle entre le quai et le rivage. Une figure voilée la traverse, portant sur sa tête une cagette destinée à l'exportation. Visuellement, elle s'apprête à franchir le pas d'un paysage rural et vernaculaire vers un navire monumental et moderne : une idéologie propagandiste coloniale du progrès s'exprime ici. Des mentions écrites ponctuent la scène, encourageant à la consommation des produits marocains, commercialisés sous la garantie de l'Office chérifien de contrôle et d'exportation. Fatima Mazmouz surimprime deux trames d'utérus, en rouge, par dessus cette image : l'une figure des utérus malades, l'autre des utérus sains. L'utérus est pour elle le premier site et le symbole de l'identité. Les utérus malades symbolisent pour elle une identité rendue malade par la colonisation et les malversations du système colonial. Par-dessus, une nouvelle trame d’utérus sains est apposée, qui renvoie à un passé colonial cicatrisé, accepté, dépassé. Ces trames forment une configuration ornementale, qui rappelle les zelliges de l'art arabo-musulman : l’affiche devient un dispositif où à travers les deux trames conversent la matrice des identités et des mémoires à venir.