Hamlet à l'impératif !, Olivier Py, 2021 © Christophe Raynaud de Lage

Hamlet à l'impératif !, Olivier Py, 2021 © Christophe Raynaud de Lage

Hamlet à l'impératif ! La pièce

Spectacles/événements

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Texte et mise en scène : Olivier Py
 

«  La pièce la plus connue du dramaturge le plus connu reste une énigme. Chaque nouvelle mise en scène est un événement, ou toujours le même avènement : l’exégèse infinie d’une pièce de Shakespeare qui a conditionné l’imaginaire européen puis a conquis le monde.


Les thématiques issues de l’œuvre sont innombrables : le théâtre, la mort, la révolution, la tyrannie, les mots, le désir etc... si bien que dès le dix-septième siècle un discours d’escorte devenu océanique a accompagné le chef d’œuvre. Chaque siècle a son Hamlet et le siècle dernier l’a placé au centre de sa catastrophe, comme une prophétie, une dystopie terrifiante.


Presque tous les grands penseurs et artistes des trois siècles derniers ont dialogué avec Hamlet et la quasi-totalité des sciences humaines s’en est emparé. La philosophie, la psychanalyse, la linguistique, l’histoire, la politique, le droit, ont pris Hamlet comme pierre d’achoppement de leurs idées.


Ainsi il ne s’agit pas seulement de présenter Hamlet, mais un Meta-Hamlet, Hamlet et ses commentateurs, Hamlet et ses conséquences. Bien que nous travaillions à partir d’une toute nouvelle traduction, qui rend grâce aux différentes versions des différents manuscrits et au travail titanesques des chercheurs, il s’agit aussi de présenter des textes clefs qui ont travaillé Hamlet. Et au-delà de tout cela, une libre dispute sur les énigmes innombrables du texte.


On comprend pourquoi ce projet est un Hamlet de dix heures au moins. Le texte, publié chez Actes Sud, a la forme d’une libre discussion entre les personnages à propos des thèmes centraux de la pièce. Un commentaire des commentaires et une mise en résonnance avec les questions contemporaines.


Voici quels sont les dix épisodes de cette charade sans fin.


Mon premier est consacré à la plus célèbre réplique de l’histoire du théâtre « to be or not to be ». Interviennent Heidegger, Hegel, Nietzsche et tant d’autres pour interpréter la célèbre sentence. De plus, un coup de théâtre : la découverte d’une autre version de la réplique dans un manuscrit plus ancien qui vient chambouler l’histoire de la philosophie ... rien de moins.


Mon deuxième est dévolu à la question de l’impératif moral et à la figure du spectre qui vient le représenter. Le texte de Derrida « Spectres de Marx » y est incontournable. C’est celui qui donne titre à notre feuilleton « Hamlet à l’impératif ». Impératif catégorique, qui résonne très fortement dans notre temps de désenchantement politique. C’est Wittgenstein qui en est le passeur avec sa conférence sur l’éthique, en référence directe au prince d’Elseneur.


Mon troisième est sous le signe du temps et de l’Histoire, d’un temps hors de ses gonds selon l’éblouissante traduction de Yves Bonnefoy reprise par Derrida, puis Deleuze et Jankélévitch. «L’histoire est-elle morte ?» semble nous demander Hamlet dans une interrogation très contemporaine.


Mon quatrième est un exercice réflexif où le théâtre parle du théâtre. Là aussi tout le monde y est allé de son interprétation sur l’efficacité politique ou l’inefficacité patente du théâtre. Peut-être est- ce aussi un échec qui réussit, ou un combat perdu qui triomphe.


Mon cinquième est contenu dans la réplique pourtant simple « words words words » véritable coup de tonnerre de la modernité. Ce doute métaphysique sur la puissance du langage a été immensément commenté, et notamment par de Saussure, Wittgenstein, Lacan et leurs interlocuteurs.


Mon sixième est sous le signe de la procrastination. Pourquoi Hamlet remet il au lendemain l’action de tuer le Roi ? Et nous ferons le tour des 50 hypothèses de réponse, de Goethe à Freud tout le monde a eu son idée sur cette paralysie de l’action politique.


Mon septième est plus directement lié à la psychanalyse, les rapports d’Hamlet et de Gertrude étant à l’origine de la science Freudienne. Plus tard, Lacan ne s’est pas privé d’y ajouter son commentaire et nous pouvons considérer que le complexe d’Œdipe a été inventé pour comprendre Hamlet.


Mon huitième est visuel et s’attache à la représentation d’Ophélie. Du tableau de Millais au poème de jeunesse de Rimbaud, ce personnage tragique, victime absolue a formaté une certaine idée des femmes. C’est donc avec des outils féministes qu’il faut déconstruire le mythe d’Ophélie.


Mon neuvième est un crâne, un crâne de bouffon exhumé, et qui médite sur la caducité. Cet accessoire indispensable de tout Hamlet mérite à lui seul son chapitre. Mais quel est l’eschatologie de Shakespeare ? Sa pensée de la mort est-elle stoïcienne ? septique ? lucrécienne ?


Mon dixième et dernier chapitre est celui d’Horatio, double narrateur et biographe, et c’est la question du récit lui-même, possible ou impossible qui y est débattu. Surtout à une époque de multiplication des points de vue et de surmédiatisation, pouvons-nous raconter une histoire collective ?


Évidemment chaque chapitre est illustré de scènes d’Hamlet, de confrontation de traductions et de questionnements de jeu.


Voilà donc pour l’immense chantier d’Hamlet, Shakespeare et les autres. Il faudra y ajouter un onzième, qui est la pièce elle-même dans une version fulgurante, reprenant certains de ces commentaires et sous l‘injonction d’une traduction radicale.


Ce Hamlet resserré en une heure pourra être joué indépendamment, et de manière très légère. Quatre acteurs et un musicien le prennent en charge et le présentent dans une totale économie spectaculaire. C’est à la fois l’amande, le miel et le sel de notre Hamlet à l’impératif.


Mais si l’on devait résumer la pièce à une seule question, quelle serait cette question ?
Non pas « être ou ne pas être » qui n’est peut-être qu’une digression philosophique au cœur d’un ensemble tragique, mais bien plutôt « que dois-je faire ? ». La question éthique a été dépliée sans fin chez les adorateurs de ce texte sans égal. Hamlet n’a aucun équivalent, son destin littéraire et intellectuel à travers les époques et les disciplines est unique. Il est devenu le cinquième évangile laïque de l’occident. Quel Hamlet demain guidera les temps difficiles ? »


Olivier Py, octobre 2020

Tarifs Tarif plein : 15€
Tarif réduit : 11€
Lieu Mucem, fort Saint-Jean— Place d'Armes