Leon Telvizian © DR

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Beyrouth : de la crise des déchets au renouveau politique ?

Cycle Pensées du monde

Rencontres-débats/Conférences

Conférence

Par Léon Telvizian (architecte et designer urbain)

Introduction et discussion : Denis Chevallier (commissaire de l’exposition « Vies d’ordures »)

La capitale du Liban, depuis longtemps, danse sur un volcan. Hier, la guerre ; aujourd’hui, l’instabilité de l’Etat, la spéculation immobilière, la privatisation agressive des biens et des ressources communs ou encore l’incurie des services publics, perpétuent le chaos. Mais c’est la gabegie du ramassage des ordures dans les rues de la ville depuis 2015 qui pourrait bien ébranler, à terme, la « République poubelle » et changer la politique. Quand la Cité fera le ménage… la planète respirera.

Une ville entière bloquée en quelques jours, et durant des mois. Beyrouth, et Tripoli, et Saïda, et les principales villes libanaises, tout le Liban comme une décharge à ciel ouvert, 4 millions de personnes englouties sous les sacs poubelles éventrés. Cette « crise des ordures » que le Liban a connue à l’été 2015 n’était hélas pas la première… ni la dernière. En cause, l’incurie et la corruption des politiques – le Liban est alors en pleine crise institutionnelle puisque le système de représentation communautaire a atteint un point de blocage qui empêche même l’élection d’un Président depuis un an. En bradant ses services publics élémentaires (transports, distribution d’eau et d’électricité, ramassage des ordures ménagères, etc.), l’Etat a conduit le pays au bord de l’étouffement. Beyrouth, pour la première fois depuis la guerre, a connu une révolte sociale sans précédent, avec notamment la mobilisation emmenée par le collectif « You Stink » (« Vous puez »). La poubelle débordante a fait déborder la ville…

Léon Telvizian, architecte et designer urbain libanais, qui travaille depuis longtemps sur le développement local et le patrimoine urbain, est l’un des intellectuels qui s’est engagé en citoyen pour un renouveau politique. Le mouvement Beirut Madinati (« Beyrouth, ma ville »), qu’il a cofondé, fut d’abord une manière de revendiquer la ville comme bien commun. Il a tenté de réunir les habitants hors de leurs appartenances confessionnelles autour d’un programme écologique, et a mené campagne aux élections municipales de 2016. Beirut Madinati n’a pas gagné de siège mais a enfoncé pour la première fois un coin dans le système électoral libanais. Au-delà de cet enjeu spécifique au Liban, l’expérience de Beyrouth rappelle, à l’échelle d’une ville, la fragilité de nos modes de vie. Les décharges sauvages où s’accumulent, au lieu d’être recyclées, les presque 600 tonnes/jour de déchets solides de la ville ; les conséquences sur la qualité de l’air, de l’eau et des sols, la déprédation urbanistique du front de mer, les ordures (mal) enfouies au fond de la Méditerranée, les conflits sociaux qui s’ensuivent, bref, la vie devenue précaire : tout ceci figure, concentré sur quelques kilomètres carrés, ce qui est en train d’arriver à l’échelle de la planète. 

Reconstruire du commun est en quelque sorte la conviction de l’urbaniste citoyen qu’est Léon Telvizian lorsqu’il plaide pour une gouvernance nouvelle. Reconstruire du commun, peut-être est-ce aussi cela, faire de la politique à l’heure de l’Anthropocène.

Léon Telvizian

Architecte et designer urbain, Léon Telvizian est professeur à l’Université libanaise de Beyrouth, où il a fondé le Département d’urbanisme et le Centre d’études et de recherches en développement et aménagement. Il est également membre associé de la chaire Unesco « Paysage et Environnement » à l’Université de Montréal, et consultant pour de nombreuses organisations internationales sur les questions de patrimoine urbain et de développement local. Il est membre co-fondateur du mouvement Beirut Madinati, et fut, sous cette étiquette, l’un des candidats aux élections municipales de Beyrouth en mai 2016.

 


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Tarifs

Entrée libre sans réservation

Lieu Mucem, J4— Auditorium
Horaires

Jeudi 8 juin 2017, 19h

Voir aussi

  • Décharge de Mediouna, Maroc © Pascal Garret, Mucem

    Nature, culture, ordures

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