Exposition Fashion folklore

Costumes populaires et Haute couture


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Affiche de l'exposition

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Entretien avec Marie-Charlotte Calafat et Aurélie Samuel, commissaires de l’exposition

 

Mucem.

La question des liens entre costume traditionnel et haute couture a rarement été explorée : qu’est-ce qui vous a amenées à vous pencher sur ce sujet ?

Marie-Charlotte Calafat.

La collection de textiles du Mucem est constituée de milliers de costumes traditionnels d’Europe et de Méditerranée collectés depuis la fin du XIXe siècle. Les dernières grandes expositions où ces pièces ont été montrées, au musée national des Arts et Traditions populaires ou au musée de l’Homme, remontent à plus de 30 ans. Il était temps de penser une exposition d’envergure pour faire connaître cette collection au public du Mucem. La question était de savoir comment. Dans le cadre d’une exposition intitulée « Folklore », conduite en partenariat avec le Centre Pompidou Metz en 2020, nous avions exploré les croisements entre artistes et folklore, entre arts populaires et arts moderne et contemporain. Cette exposition propose de continuer ce dialogue, autour de la création textile, en mettant en regard les costumes populaires et la haute couture, afin de rendre visibles les croisements, les inspirations, la circulation de modèles et d’idées, entre ces deux univers.

 

M.

Cette exposition peut se lire comme une histoire croisée entre ces deux domaines de la mode au XXe siècle ?

Aurélie Samuel.

Aujourd’hui, on assiste aussi à une véritable collaboration entre ces deux domaines. Des créateurs s’associent à des brodeurs ou à des centres de tissage locaux pour créer des œuvres en commun. La haute couture a toujours été un conservatoire des savoir-faire et a contribué à sauvegarder ce patrimoine technique ancestral.

M.-C.C.

Les dialogues entre costumes populaires et créations de haute couture permettent de mieux comprendre comment les uns et les autres sont perçus dans la société : alors que les costumes populaires disparaissent et font l’objet d’étude et de collecte par les musées, la haute couture naît et se développe depuis Paris. C’est donc une histoire croisée qui invite à des allers-retours entre tradition et modernité, mais aussi à des voyages entre les régions, Paris et l’ailleurs, pour mieux comprendre les enjeux de circulations et d’influences au cœur de la création.

 

M.

Comment s’est déroulé le travail avec les maisons de couture associées au projet ?

A.S.

Nous avons commencé par sélectionner des pièces du Mucem, car l’idée d’origine était bien de partir des collections du musée pour ensuite créer un lien avec les couturiers. Nous avons tout d’abord présélectionné des vêtements qui nous semblaient inspirés par ces pièces traditionnelles, soit par un lien historique avéré, soit par un lien esthétique, et nous avons présenté nos choix aux différentes maisons de couture. Celles-ci nous ont souvent proposé d’ajouter d’autres pièces qui leur semblaient intéressantes et dont nous n’avions pas nécessairement connaissance. Un échange s’est alors mis en place et parfois nous avons suivi le cheminement inverse, c’est-à-dire que nous sommes parties des collections des maisons et nous avons sorti des réserves des pièces du Mucem pour les mettre en regard. Cela a été très constructif et riche de pouvoir mettre en place la liste des œuvres conjointement.

 

M.

Découvrir ces pièces historiques a pu donner de nouvelles idées aux créateurs d’aujourd’hui. Une façon de poursuivre ce dialogue au XXIe siècle ?

M.-C.C.

Les vêtements traditionnels ont une valeur esthétique aujourd’hui peu connue et rarement reconnue. Les lignes, la composition des formes et des couleurs, les matériaux et ornements utilisés : tous ces éléments invitent à les regarder attentivement, ce que continuent à faire des créateurs et créatrices contemporaines. Certains, en Ukraine ou en Estonie, s’emparent aujourd’hui d’éléments de leur patrimoine textile pour affirmer la spécificité de leur identité nationale, tandis que d’autres s’en saisissent dans le cadre d’une réflexion sur les questions de genre ou d’environnement.

A.S.

Les créateurs s’inspirent depuis toujours de la mode ancienne et des archives existantes. De nombreux couturiers arpentent les musées, les collections privées ou visitent les archives patrimoniales des maisons de couture. C’est une source d’inspiration inépuisable. La plupart d’entre eux sont eux-mêmes collectionneurs ou tout au moins « collecteurs ». Ils ramènent de leurs voyages des échantillons ou des vêtements et puisent sur le terrain des idées qu’ils vont ensuite réinterpréter, comme tous les artistes.

 

M.

Sur un plan personnel, quelle est la découverte qui vous a le plus étonnées lors de votre travail sur cette exposition ?

M.-C.C.

J’ai aimé étudier chaque pièce de la collection une à une, et le plus dur a été de choisir ! La coiffe grecque dite catsouli était un cas particulièrement passionnant. Sa forme rappelle celle d’un casque antique, et son origine remonterait, selon la tradition orale, à l’époque d’Alexandre le Grand, qui aurait puni la lâcheté des hommes au combat en leur ordonnant de remettre leurs casques à leurs épouses qui, elles, s’étaient comportées de manière héroïque. Alors que la tradition est souvent associée au conservatisme, il s’agit ici d’un étonnant exemple de renversement des genres !

A.S.

Pour ma part, j’ai été émerveillée par la redécouverte de pièces que je n’avais vues qu’en photographies. L’une de celles qui m’ont le plus marquée est la robe de mariée entièrement faire de rubans par Kenzo Takada. C’est une œuvre intemporelle qui soulève des questionnements contemporains. En effet, cette réutilisation des matériaux est au cœur des préoccupations actuelles dans le domaine de la mode.

 

 

Propos recueillis par Sandro Piscopo-Reguieg (avril 2023)